C’est un creuset où se mêlent sport, violences conjugales, vedettes médiatiques et réseaux sociaux. Depuis mardi soir, le monde du sport en général et du judo en particulier est secoué par l’affaire Margaux Pinot, du nom de cette championne de judo qui accuse son entraîneur (et compagnon), Alain Schmitt, de l’avoir violemment frappé le week-end dernier à son domicile en banlieue parisienne.
Jugé en comparution immédiate après trois jours de détention préventive, Alain Schmitt a été relaxé mardi soir. Contestant cette décision de justice, Margaux Pinot a posté mercredi la photo de son visage tuméfié sur Twitter – retweeté plus de 41 000 fois en moins de vingt-quatre heures – déclenchant une vague de soutiens sans précédent parmi les judokas, Teddy Riner en tête.
«Nous sommes tous profondément touchés par ce que vient de subir notre coéquipière Margaux Pinot et nous lui apportons tout notre soutien. Que faut-il faire pour que les victimes soient entendues ? Que les agresseurs soient reconnus coupables», a déclaré le triple champion olympique, commentant la relaxe. «Que faut-il pour que les sanctions tombent, la mort ?» a renchéri Clarisse Agbegnenou, coéquipière de Pinot et championne olympique des moins de 63 kilos à Tokyo. «On a été abasourdis, on a pris un KO par la décision», a confié Stéphane Nomis, le président de la Fédération française de judo. Le parquet de Bobigny a annoncé faire appel de la relaxe de l’entraîneur mercredi.
Dans la nuit de samedi à dimanche, j’ai été victime d’une agression à mon domicile par mon compagnon et entraîneur.
— Margaux Pinot (@MargauxPinot2) December 1, 2021
J’ai été insultée, rouée de coups de poings,
ma tête a été frappée au sol à plusieurs reprises. Et finalement étranglée. pic.twitter.com/Ghbwg8NVQy
«Il y a eu un appel (du parquet), c’est la justice. Ils ont le droit de le faire et ils l’ont fait. Maintenant, ce que je ne respecte pas par contre c’est le lynchage médiatique qui a été fait autour de ça. Instagram, Twitter, c’est tout sauf un tribunal», a déclaré Alain Schmitt, un énorme bleu sur la partie supérieure droite du visage, lors d’une conférence de presse jeudi après-midi.
Aux côtés de ses avocats, Alain Schmitt a à nouveau démenti la version de sa compagne et nié catégoriquement l’avoir frappée. Selon lui, Margaux Pinot ne voulait pas qu’il prenne son vol prévu quelques heures plus tard pour Israël, où il devait entraîner la sélection nationale féminine. Elle se serait jetée sur lui et ils se seraient alors battus comme dans un combat de judo, roulant au milieu de l’appartement: «Elle m’a percuté fort dans la porte, ensuite on est allés de droite à gauche, dans le mur, dans le radiateur... On a vraiment percuté partout».
«J’ai frôlé la mort»
Samedi soir, l’homme de 38 ans avait été arrêté au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) après que Margaux Pinot l’avait accusé de lui avoir tiré les cheveux, asséné des coups et tenté de l’étrangler lors d’une altercation dans son appartement. Fracture au nez, ecchymose… Elle s’est vue prescrire 10 jours d’ITT. «J’étais à la fois sonnée et consciente de ce qui se passait. J’ai frôlé la mort», a raconté la sportive au Parisien.
. @MargauxPinot2 a été frappée et étranglée par son compagnon. Elle a le nez fracturé. Son agresseur a été relaxé par la justice. Inacceptable. Soutien à elle. https://t.co/GPMpGKTfnq
— Clémentine Autain (@Clem_Autain) December 2, 2021
Selon France TV Sport, la dispute aurait été provoquée par le départ prévu de l’entraîneur pour Israël, où il était attendu pour prendre les rênes de l’équipe nationale féminine – la Fédération israélienne de judo a annoncé avoir suspendu tout contact avec lui après la décision du tribunal. «Là-bas en Israël, il y aura une athlète de moins de 70 kg qui te battra et j’y mettrai un point d’honneur», aurait lancé Alain Schmitt. L’audience de mardi a été marquée par l’opposition de deux versions contradictoires : Alain Schmitt a livré le récit d’une bagarre aux allures de «tornade» entre deux amants à la relation tempétueuse. Margaux Pinot a de son côté décrit sa «peur» face aux coups de poing qui pleuvaient sur elle.
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Auprès de notre service Checknews, Me Malik Behloul, avocat d’Alain Schmitt, a justifié la décision contestée de relaxe : «Face à des propos contradictoires, le doute doit profiter à l’accusé. C’est ce que j’ai avancé dans ma plaidoirie.» Pas de l’avis de Me Stéphane Maugendre, chargé jusqu’alors de la défense de Margaux Pinot – la sportive en a changé mercredi soir. Invoquant les certificats médicaux, le nez cassé établi par IRM, la présence de sang et cheveux retrouvés à l’appartement, il assure : «Avec les éléments objectifs qui figurent à ce dossier, on n’aurait pas dû aboutir à une relaxe.»
Mis à jour à 15h30 avec la conférence de presse d’Alain Schmitt.