C’est un rapport alarmant publié ce lundi 10 mars par l’Observatoire national des violences faites aux femmes. Le nombre de victimes enregistrées de violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun a presque doublé (+86 %) en près de dix ans en France. Si les femmes restent les principales cibles – elles représentent 91 % des victimes selon l’enquête du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) citée par l’Observatoire, les mis en cause sont pratiquement tous (99 %) des hommes.
«Dans les transports en commun, les agressions ont surtout lieu durant les heures de pointe et au sein des véhicules de transport : c’est la promiscuité des corps permise par le taux de saturation des rames qui donnerait l’opportunité aux agresseurs de perpétrer ces violences», explique dans le rapport Manon Marguerit, chercheuse en urbanisme qui a réalisé une thèse sur la prévention et lutte contre les violences sexuelles et de genre dans les transports en commun franciliens à la RATP.
Au total, 3 374 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun ont été enregistrées en 2024, pour plus d’un tiers concernant des outrages sexistes et sexuels. Les trois quarts d’entre elles (75 %) ont moins de 30 ans et 36 % sont mineures.
«Qu’une femme ou une fille modifie ses horaires ou ses trajets par peur d’être agressée doit nous interroger»
Face à l’ampleur du phénomène, certains opérateurs ont mis en place des dispositifs visant à renforcer la sécurité des femmes sur leur réseau, à l’image de descentes à la demande dans les bus. La RATP, qui dit faire de la lutte contre le harcèlement une «priorité absolue», a mis en place des numéros d’assistance (3117 et 31177) et des bornes d’appel sur les quais. Leurs effets sont encore insuffisants. Seulement 12 % des victimes ont déclaré y avoir déjà eu recours d’après l’étude.
La parole des victimes se libère puisque huit femmes sur dix déclarent en avoir parlé. Les proches font partie des interlocuteurs largement privilégiés (74 %). Mais seulement 7 % des victimes ont porté plainte. Un chiffre qui peut s’expliquer par les mauvaises expériences vécues auprès des forces de l’ordre par les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. Le collectif féministe NousToutes avait récolté en 2021 les témoignages de 3 500 victimes de violences de genre, dont 66 % rapportaient des mauvaises expériences en commissariat ou gendarmerie.
«Qu’une femme ou une fille modifie ses horaires ou ses trajets par peur d’être agressée doit nous interroger sur la liberté d’accès de toutes les citoyennes au service public des transports», signale Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, dont dépend l’Observatoire. D’après une enquête de 2021 sur la «Victimation et sentiment d’insécurité en Ile-de-France», 5 % des Franciliennes de plus de 15 ans renoncent à prendre les transports en commun par peur d’y être victimes de violences ou de vol. Dans l’étude publiée ce lundi 10 mars, huit femmes sur dix assurent rester en alerte dans les espaces du réseau ferré francilien.