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Justice

Viols d’enfants aux Philippines : un ex-policier de la brigade des mineurs de Marseille jugé à partir de lundi

L’ancien fonctionnaire comparaît à Aix-en-Provence pour des relations sexuelles monnayées avec deux jeunes garçons et la détention d’images pédopornographiques. Il était également président d’une institution œuvrant à la protection de l’enfance à Manille.

A Manille, en 2023. L'ex-policier mis en cause était devenu président de la branche française d’une institution œuvrant à la protection et l’insertion des enfants des rues de la capitale philippine. (Jam Sta Rosa /AFP)
Publié le 31/08/2025 à 16h26

L’horreur au sein même de la police. Un ancien fonctionnaire de la brigade de protection des mineurs de Marseille sera jugé à partir de ce lundi 31 août à Aix-en-Provence pour viols et agressions sexuelles de deux enfants des rues de Manille, aux Philippines. L’ex-policier, aujourd’hui âgé de 46 ans et en détention provisoire depuis quatre ans, comparaît également devant la cour criminelle pour la détention de quelque 3 000 images et vidéos pédopornographiques pour ce procès qui doit durer quatre jours.

L’affaire débute à Marseille par le signalement de la directrice d’un foyer où un jeune homme de 17 ans, victime de viols, recevait à des heures tardives des messages tendancieux du policier chargé de son enquête. A la brigade des mineurs, les questions se posent alors sur ce collègue décrit comme «gentil» et «nonchalant», des policiers se remémorant par exemple son intérêt pour les photos de leurs enquêtes.

L’accusé cherche à balayer les soupçons : «Si le loup est dans la bergerie, il faut vite ouvrir une enquête», lance-t-il à son chef qui lui adressera une lettre de mise en garde au sujet de ses messages avec la jeune victime qu’il appelait «mon chat».

Tourisme sexuel

L’enquête ouverte par le parquet de Marseille aboutit, en juin 2021, à la perquisition du domicile du policier où quelques milliers d’images pédopornographiques sont saisies et des traces informatiques retrouvées sur des recherches ciblant les jeunes garçons, y compris sur le darknet. Puis de fil en aiguille, la piste du tourisme sexuel se dessine pour cet homme, à l’apparence au-dessus de tout soupçon, qui se rendait chaque année aux Philippines, étant devenu président de la branche française d’une institution œuvrant à la protection et l’insertion des enfants des rues à Manille.

Les enquêteurs ont pu retrouver la trace des deux victimes pour lesquelles il est jugé aujourd’hui, deux frères âgés de 12 et 15 ans. Entendus en février 2024 dans le cadre d’une commission rogatoire internationale, les orphelins, qui dormaient sur un trottoir de la capitale des Philippines, avaient reconnu sur photo «le touriste américain». En septembre 2018, dans un terrain vague d’abord, puis dans son appartement, il avait monnayé des relations sexuelles pour quelques milliers de pesos, soit quelques dizaines d’euros.

Les déclarations de ces deux jeunes rabatteurs de clients pour jeepneys (transports collectifs) confirmaient ainsi une note rédigée, en septembre 2018, par l’accusé, faisant le récit cru d’agressions sexuelles et de viols de deux jeunes mendiants.

Une «curiosité devenue addictive»

La cour criminelle attend sa position sur ces faits qui lui sont reprochés, après les avoir reconnus puis contestés. Ce procès devrait s’ouvrir sans ses deux victimes, une absence qui suscitera sans doute un débat sur l’opportunité de tenir l’audience à huis clos ou pas. Cinq associations de défense de l’enfance se sont constituées parties civiles.

Parlant d’un «engrenage», le policier évoque dans un courrier «une curiosité devenue addictive, l’envie de toujours en voir plus. Quand j’avais cet éclair de lucidité je fermais l’ordinateur, dégoûté. Et le pire c’est que le lendemain, ça me donnait la niaque pour le boulot, protéger ces enfants». La personnalité de cet homme, atteint selon un expert-psychologue du syndrome de Peter Pan, une sorte de refus de l’âge adulte et d’immaturité, sera au cœur des débats.

L’enquête a établi qu’il s’était créé une réalité parallèle. A ses collègues, il se présentait comme tiers de confiance d’un filleul prénommé Gabin qui n’existait pas mais dont il montrait une photo : celle récupérée sur les réseaux sociaux d’un jeune DJ belge.

«Nous sommes face à un schéma machiavélique, un mode opératoire assez inédit dans le fait de s’ériger en ambassadeur de la protection de l’enfance et, sous cette casquette, de remplir des missions policières et humanitaires», estime Me Céline Astolfe, avocate de la Fondation pour l’enfance. Pour elle, ce procès doit être «l’occasion de redire l’importance de la prévention et de la formation de tous les acteurs au contact des mineurs». Contactée par l’AFP, l’avocate de l’accusé n’a pas souhaité s’exprimer avant l’ouverture des débats.