Les huit «joyaux de la couronne de France» volés dimanche au Louvre étaient décrits comme étant «inestimables», mais la conservatrice du musée a quand même évalué l’ampleur du préjudice économique. 88 millions d’euros. Une somme «extrêmement spectaculaire» mais qui «n’a rien de parallèle et de comparable au préjudice historique», a tenu à préciser la procureure de Paris Laure Beccuau, sur RTL ce mardi 21 octobre.
La magistrate insiste : les malfaiteurs ne «gagneront pas» cette somme «s’ils avaient la très mauvaise idée de fondre» les bijoux. «On peut peut-être espérer qu’ils réfléchissent à la chose et qu’ils ne [les] détruisent pas sans raison.»
Laure Beccuau a aussi donné quelques détails sur le déroulé de l’enquête qui mobilise «une centaine» d’enquêteurs à Paris, en plus des magistrats de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) du parquet de Paris. Pour le moment, «quatre personnes [ont été] identifiées comme étant présentes sur les lieux», a ajouté la magistrate, impatiente de savoir si les empreintes retrouvées, «en cours d’analyse», «vont matcher ou pas». Il est tout à fait possible «qu’autour d’eux», des «équipes» les aient «aidés à perpétrer ce vol». Y aurait-il eu des complices en interne ? La procureure ne peut pas «répondre par oui ou par non» à ce stade.
Audition de la directrice mercredi au Sénat
Elle a par ailleurs indiqué que le véhicule nacelle utilisé pour commettre le vol a été obtenu par «une pseudo-location sur un prétendu déménagement». «Lorsque l’un des employés de cette entreprise s’est présenté sur les lieux du déménagement, il s’est trouvé confronté à deux hommes menaçants mais qui n’ont usé à son encontre d’aucune violence.» Une plainte a été déposée.
Ces précisions interviennent à la veille d’une audition très attendue : la présidente-directrice du Louvre, Laurence des Cars, sera entendue mercredi après-midi par la commission des affaires culturelles du Sénat. Elle devra répondre à la cascade de questions sur la sécurité des œuvres qu’a soulevées ce cambriolage, commenté dans les médias du monde entier.
Le Louvre a défendu mardi auprès de l’AFP la qualité des vitrines qui abritaient les joyaux dérobés dans la galerie d’Apollon. Réponse à un article du Canard enchaîné qui les décrivait comme étant «apparemment plus fragiles que les anciennes».
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Mais la question de la sécurité dépasse la disparition des bijoux en eux-mêmes. «Sans les cinq agents qui se trouvaient sur place ou à proximité, on aurait pu se retrouver avec un vrai drame humain», souligne Gary Guillaud, de la CGT-Culture − personne n’a été blessé au cours du cambriolage.
Côté ministère de la Culture, tutelle du Louvre, on répète que «les dispositifs de sécurité du musée n’ont pas été défaillants». Mots prononcés mardi par Rachida Dati, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Selon le Figaro, la ministre aurait refusé la démission que Laurence des Cars lui a présentée.
Mission sur la sécurité des lieux patrimoniaux
Elle a aussi annoncé la création d’une mission sur «la sécurité de tous les lieux patrimoniaux», confiée au député Jérémie Patrier-Leitus (groupe Horizons). Son cabinet a reçu mardi les organisations syndicales (CGT, SUD, CFDT, CFTC, FSU) du musée pour leur annoncer que l’enquête administrative évoquée la veille était confiée à l’inspection générale des affaires culturelles (Igac), ont rapporté les syndicats.
Ceux-ci en ont profité pour déplorer la baisse des effectifs consacrés à la sûreté et à la sécurité des musées. Une diminution de «25 % en dix ans», selon Elise Muller de SUD-Culture. Ils dénoncent aussi «des budgets réorientés vers des projets muséaux au détriment du renouvellement des équipements dédiés à la surveillance des œuvres et du public.» Après avoir braquage spectaculaire du musée le plus visité au monde, en pleine journée, leur donne désormais un argument de poids.