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Agression

Yvan Colonna toujours dans le coma: colère en Corse et enquête administrative

Au lendemain de son agression par un codétenu à la prison d’Arles, le militant indépendantiste corse était toujours jeudi matin dans le coma à Marseille, dans un état stable. Pendant ce temps, la colère gronde sur l’île où les mobilisations visant à dénoncer la «responsabilité» de l’Etat se multiplient.
Des militants indépendantistes corses protestent contre l'agression d'Yvan Colonna à la prison d'Arles, le 2 mars à Ajaccio. (angele ricciardi/AFP)
publié le 3 mars 2022 à 12h48

«Pas d’amélioration ni de détérioration.» Au lendemain de son agression par un codétenu de la prison d’Arles, le militant indépendantiste corse Yvan Colonna était toujours jeudi matin dans le coma à Marseille, dans un état stable, a indiqué Me Patrice Spinosi, son avocat et celui de la famille Colonna, insistant sur le fait qu’il n’était pas en état de mort cérébrale. En parallèle de l’enquête judiciaire, une enquête administrative a été déclenchée, a rappelé jeudi matin le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, interrogé sur France Info. Car en Corse, où était demandé de longue date son rapprochement dans une prison de l’île, les interrogations pullulent, et la colère gronde. «On a laissé délibérément au contact direct d’Yvan Colonna, un individu qui était manifestement extrêmement dangereux», a déploré sur la même radio Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la collectivité de Corse et ancien avocat d’Yvan Colonna, alors même que «l’administration pénitentiaire, le gouvernement au plus haut niveau de l’Etat savaient qu’il y avait un risque particulier».

Mobilisation en Corse

Dès mercredi soir, répondant à l’appel lancé par des organisations indépendantistes corses, d’associations de soutien aux prisonniers politiques, et de syndicats étudiants, plusieurs centaines de personnes se sont réunies devant les préfectures d’Ajaccio et de Bastia ainsi que devant la sous-préfecture de Corte. «L’Etat français porte une responsabilité majeure, accablante, dans ce qui vient de se passer», accuse dans un communiqué publié mercredi par le parti politique autonomiste corse Femu a Corsica. Même tonalité au sein de la famille de l’indépendantiste, qui estime que «l’Etat était juridiquement responsable de la sécurité d’Yvan Colonna. S’il décède, l’administration pénitentiaire et l’ensemble de la hiérarchie politique dont elle dépend devront rendre des comptes».

Ce jeudi matin, c’était l’université de Corse qui était bloquée par les étudiants, en soutien au «berger de Cargèse», avant une assemblée générale organisée par les syndicats à 14 heures pour «définir la suite de la mobilisation». «Nous appelons à ce que tous les Corses qui se sentent concernés et ont envie de participer au débat [viennent] pour décider de ce qui se fera plus tard», a déclaré Armand Occhiolini, président du syndicat Ghjuventù Paolina. Le parti indépendantiste Corsica Libera a indiqué sur Twitter participer à cette «réunion unitaire de la jeunesse corse à Corte» et «appelle d’ores et déjà à marcher contre la préfecture ce samedi à Ajaccio sous le mot d’ordre : “Statu francese assassinu”, (Etat français assassin)».

«Nous allons faire tout ce qu’il faut évidemment pour que la vérité soit faite sur cette agression», a assuré jeudi sur France Inter le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, relevant les «propos tempérés» des élus corses «malgré les difficultés». «Je crois évidemment que tout le monde est très choqué par cette histoire. Je veux avoir une pensée pour la famille de monsieur Colonna. Je veux aussi en tant que ministre de l’Intérieur avoir une pensée pour madame Erignac et la famille Erignac», a-t-il ajouté. Claude Erignac, le préfet de Corse, a été tué par balles le 6 février 1998. Yvan Colonna a été condamné le 20 juin 2011 pour ces faits à la réclusion criminelle à perpétuité au terme de trois procès. Mais le militant indépendantiste aujourd’hui âgé de 61 ans n’a jamais cessé de clamer son innocence.

Son agresseur Franck Elong Abé est en garde à vue dans le cadre d’une enquête de la police judiciaire pour «tentative d’assassinat». L’altercation s’est déroulée mercredi eu lieu dans la matinée. Yvan Colonna était seul, dans la salle de musculation, lorsque Franck Elong Abé est entré pour nettoyer la pièce, selon le procureur de Tarascon. «Les premiers éléments recueillis permettent d’établir qu’Yvan Colonna a été victime d’une strangulation à mains nues, puis d’un étouffement», précisait mercredi son communiqué. On ignore les raisons de ce déferlement de violence à l’encontre du nationaliste corse. Selon une source pénitentiaire interne, le parcours de Franck Elong Abé serait émaillé d’agressions d’autres détenus et d’incendies de cellules. A 36 ans, le «jihadiste» camerounais interpellé en Afghanistan en 2012, remis à la France en 2014, avait été condamné à neuf ans de prison pour «association de malfaiteurs terroriste». Il était à la maison d’arrêt d’Arles depuis 2019 et était libérable à partir de décembre 2023.