Vendredi 5 juillet, le tribunal correctionnel de Paris a condamné M., 19 ans, à quatre mois de prison avec sursis, à 5 000 euros d’amende et à effectuer un stage de citoyenneté. La jeune femme a été reconnue coupable de «cyberharcèlement et divulgation d’information personnelle permettant d’identifier ou de localiser une personne et exposant à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens». Le 31 mai, le parquet avait requis six mois de prison avec sursis contre cette ex-élève d’un lycée d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), exclue de cet établissement en juin 2023, après plusieurs avertissements et mesures d’exclusions temporaires, pour port de l’abaya.
Dans la foulée, la jeune femme avait accusé l’établissement d’islamophobie sur TikTok et X (ex-Twitter), divulguant au passage l’identité de la proviseure et de la conseillère de rectorat. Ses posts avaient été abondamment relayés et commentés sur les réseaux sociaux – d’après Me Florence Lec, conseil de l’une des parties civiles, le premier tweet de M. avait «dépassé le million de vues». Parmi ceux qui ont posté des commentaires, J., 20 ans, qui a de son côté été condamné à trois mois de prison avec sursis (le parquet avait requis le 31 mai cinq mois avec sursis et obligation d’effectuer un stage de citoyenneté) : sous l’une des publications de M., il avait traité la proviseure de «sale connasse», avant d’ajouter «on va te niquer». J. a en outre été condamné à verser 2 000 euros de dommages et intérêts à la fonctionnaire. M., elle, a été condamnée à indemniser à hauteur de 6 000 euros la proviseure et la conseillère de rectorat au titre du «préjudice moral».
«Une cible sur notre tête»
Lors de l’audience du 31 mai, la première avait rappelé comment, à partir de mars 2022, elle avait dit à M. à plusieurs reprises que sa tenue n’était «pas conforme» au règlement d’un établissement scolaire. Par la suite, et après voir vu la jeune femme «avec un voile dans les couloirs», elle lui avait demandé plusieurs fois – sans succès – de se conformer à la loi de 2004 sur la laïcité à l’école, qui interdit le port de signes religieux ostentatoires (à l’époque, la circulaire de Gabriel Attal d’août 2023 interdisant le port de l’abaya dans les établissements scolaires n’était pas encore effective).
A la barre, les deux plaignantes avaient raconté les conséquences de cette affaire sur leur vie professionnelle et personnelle. «Ma santé physique et mentale a été affectée durablement et je n’ai pas fait ce métier pour ça», avait notamment déclaré la proviseure, tandis que la conseillère de rectorat avait évoqué le sentiment qu’elle «portera toujours la cible qui est sur [leur] tête». Les deux femmes avaient en outre été placées plusieurs mois sous protection policière. L’avocat de M., Me Nabil Boudi, avait de son côté plaidé une «maladresse» de sa cliente, «en dépression et souffrante depuis sept mois». «Quand elle prend conscience du déferlement de haine, [elle] coupe son Twitter. Quand elle s’aperçoit que ça peut devenir viral, elle supprime», avait-il ajouté. Me Nabil Boudi indique à Libération avoir fait appel de cette décision. J., lui, ne fera pas appel.