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Libération
Interview

Pour la Fédération française de randonnée, «il faut que les chasseurs se signalent et soient géolocalisés»

La chasse en débatdossier
Partisan d’un «partage intelligent des espaces naturels», l’administrateur de la fédération des randonneurs appelle le gouvernement à favoriser le traçage des chasseurs, encadrer le permis de chasse et réduire la portée des armes.
Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures pour sécuriser la chasse. (David RICHARD/Photo David Richard / Transit po)
publié le 9 janvier 2023 à 17h36

Ecologistes et proches de victimes déplorent en chœur le manque d’ambition du plan de sécurisation de la chasse annoncée lundi par la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Bérangère Couillard. Plus optimiste, Frédéric Montoya, administrateur de la Fédération française de randonnée (FFR), salue l’interdiction de la pratique sous l’emprise de l’alcool et se satisfait que l’interdiction de la chasse le dimanche n’ait pas été retenue. Engagé dans des discussions avec les chasseurs au niveau national, Frédéric Montoya appelle à développer le traçage géolocalisé et à réduire la portée des armes utilisées.

La série de mesures annoncée par le gouvernement pour prévenir les accidents de chasse vous paraît-elle suffisante ?

Nous sommes globalement satisfaits, notamment de l’interdiction de pratiquer la chasse sous l’emprise de l’alcool. C’est une mesure de bon sens et qui faisait consensus. Il est impensable de ne pas être en condition de maîtriser des armes à feu. Mais il faut aller plus loin. Lorsque nous avons été entendus au Sénat [par une commission qui a rendu un rapport frileux sur la sécurité de la chasse en septembre], nous avions préconisé deux autres axes : ramener le permis de chasse à 18 ans [contre 16 ans actuellement] et limiter la portée des armes à feu. Les balles utilisées contre le gros gibier peuvent aller jusqu’à 2 ou3 kilomètres. Les chasseurs eux-mêmes disent qu’ils ne voient rien à plus de 300 mètres.

Une application répertoriant les zones de chasse va être lancée. C’est une bonne idée ?

C’est nous qui avons porté l’idée à ses débuts. Maintenant, il faut savoir ce qu’on en fait. Soit on cartographie des zones de non-chasse [ce qui semble être l’option retenue par le gouvernement, ndlr]. Soit, et c’est ce que nous préconisons, il faut que les chasseurs se signalent et soient géolocalisés, afin que les promeneurs sachent précisément s’il y en a à proximité et qu’une alerte sonore ou visuelle les mettent en garde. Ça exige un effort de la part des chasseurs. J’ai dit un jour au président de leur fédération nationale [Willy Schraen] : «vous n’échapperez pas à la géolocalisation». Tout le monde à un smartphone dans sa poche, saisissons l’opportunité qu’offre le numérique pour faire ce que nous souhaitons tous : communiquer et faire de la prévention.

Une objection qui peut être faite, c’est que cela pourrait renvoyer la responsabilité aux promeneurs. Un chasseur responsable d’un accident pourrait se défendre en indiquant qu’il s’était signalé auparavant et que la victime n’avait rien à faire là.

Ça nous inquiéterait si c’était interprété dans ce sens-là. Celui qui a la responsabilité, c’est celui qui a l’arme dans les mains. Les chasseurs le reconnaissent : les accidents sont souvent liés à un manque de respect des règles de sécurité de leur part. Si une balle est tirée en deçà de la distance réglementaire vis-à-vis d’une maison, ou si ce n’est pas un tir fichant, à 30 degrés vers le bas, c’est sa responsabilité, point.

L’interdiction de la chasse le dimanche, voulue par une large majorité de Français, a été écartée. Êtes-vous déçu ?

Non. Nous ne sommes pas forcément compris et nous allons sans doute à contre-courant de l’opinion, mais ce que l’on veut, c’est un partage intelligent et apaisé des espaces naturels. Si on va vers des jours où la chasse est interdite, demain pourquoi n’y aurait-il pas le mardi sans randonnée, ou le mercredi sans VTT ?

Les randonneurs ou les cyclistes n’ont pas d’armes et ne sont pas responsables de coups de feu mortels.

On pourrait dire qu’un jour sans randonnée permettrait aux chasseurs d’être sûrs de ne rencontrer et donc de ne blesser personne… Je ne vais pas me faire l’avocat des chasseurs, mais nous sommes partisans du dialogue et du partage de la nature. Plutôt que de s’invectiver sur le terrain, on préfère s’asseoir autour de la table et discuter. L’interdiction ne permet pas une relation apaisée.