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Fin de vie

Pour la Haute Autorité de santé, l’aide à mourir ne doit pas se baser sur un pronostic vital engagé «à moyen terme» ou une «phase terminale»

Fin de viedossier
L’avis publié ce mardi 6 mai par l’autorité indépendante estime que tout médecin doit savoir apprécier «la subjectivité» de la personne souffrante, «seule légitime pour dire ce qui relève pour elle de l’insupportable».
En Saône-et-Loire, en 2023. La HAS insiste sur la nécessité «d’un processus d’accompagnement et de délibération collective, centré sur la personne malade, en amont d’une éventuelle demande d’aide à mourir». (Maria Mosconi/Hans Lucas)
publié le 6 mai 2025 à 14h57

Quelques jours avant la reprise des débats dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale sur l’évolution de la législation sur la fin de vie, la remise de cet avis était particulièrement scrutée. Dans un texte publié ce mardi, la Haute Autorité de santé (HAS) juge «impossible», faute de consensus médical, de déterminer qui pourrait bénéficier d’une aide à mourir en se basant sur un pronostic vital engagé «à moyen terme» ou sur une «phase terminale» de maladie. L’autorité indépendante, sollicitée par le ministère de la Santé sur cette question, suggère plutôt de prendre en compte «la qualité du reste à vivre» de la personne.

Ces travaux, pour lesquels un comité d’experts a examiné la littérature scientifique, les législations internationales et auditionné des experts, n’ont «pas permis d’identifier de critère alternatif» dans «des conditions plus satisfaisantes», peut-on ainsi lire dans cet avis.

Faute de «certitude scientifique» sur l’appréciation d’un pronostic vital d’une personne, la HAS insiste sur la nécessité «d’un processus d’accompagnement et de délibération collective, centré sur la personne malade, en amont d’une éventuelle demande d’aide à mourir». Ce «processus continu de discussion» associant malade, proches et soignants, permettrait de reconnaître la «dimension existentielle et sociale de la souffrance» et «d’aborder la question du sens de ce qui est vécu et de ce qu’il reste à vivre».

Aussi tous les soignants doivent être formés «à l’écoute et au dialogue» sur la fin de vie, «pour éviter tout risque d’obstination déraisonnable conduisant à des impasses de vie pour les patients», plaide la HAS.

«Fiabilité insuffisante»

Actuellement, le pronostic vital dépend «de nombreux paramètres, souvent évolutifs» : les soignants l’évaluent avec des outils à la «fiabilité insuffisante» et un «degré d’incertitude important», sans intégrer la progression de la pathologie, la singularité du malade, ses «biais subjectifs (état émotionnel, appréciation de sa qualité de vie…)» ni ceux des soignants.

Tenter d’établir un pronostic temporel pour chaque patient serait donc «une erreur et reviendrait à nier les facteurs individuels et thérapeutiques qui le conditionnent», argumente la HAS. Car pour estimer qu’une personne malade incurable vit plus ou moins longtemps, les «symptômes physiques ou psychiques», les «facteurs sociaux […], la résilience individuelle très variable [d’un patient] à l’autre» sont déterminants. La HAS relève ainsi qu’«aucun pays européen n’a retenu un critère d’ordre temporel». «Certains, comme le Québec, y ont même renoncé après une période d’application», ajoute l’autorité. Il faut apprécier «la subjectivité» de la personne souffrante, «seule légitime pour dire ce qui relève pour elle de l’insupportable», souligne encore l’avis.

Le critère d’un pronostic vital engagé «à moyen terme» figurait dans le texte «relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie» porté par Catherine Vautrin, dont l’examen avait été interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale. Jugée floue, cette formulation avait finalement été retirée.

Quant à la notion de «phase avancée» d‘une maladie incurable, qui «ne renvoie pas tant à l’échéance du décès» qu’au «parcours» du patient, la HAS la définit comme «l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade, qui affecte sa qualité de vie».

Si prédire «la quantité de vie restante» est impossible, «il convient de retenir une logique d’anticipation et de prédiction de la qualité du reste-à-vivre, quelle que soit l’issue des débats parlementaires», estime enfin l’autorité.