«Malgré la reprise économique, nous constatons que la situation des plus précaires s’est aggravée avec la crise», alertent les Restaurants du cœur, qui lancent ce mardi leur 37e campagne annuelle. L’association, créée en 1985 par le comédien et humoriste Coluche, vient rappeler le rôle crucial qu’ont joué les dispositifs d’aide alimentaire lors de la crise du Covid-19, comme l’ont montré les longues files d’étudiants qui continuent de récupérer des colis alimentaires. Selon un rapport sur l’alimentation en France, remis à l’Assemblée nationale en septembre, 8 millions de Français sont aujourd’hui dépendants de l’aide alimentaire. Une précarité amplifiée par la crise, mais dont les causes sont antérieures.
Une réalité que les bénévoles des Restos du cœur ont constaté sur le terrain. «Lors de notre dernière campagne annuelle, nous avons accueilli 1,2 million de personnes, dont 850 000 pendant la période d’hiver», indique l’association dans un communiqué, avec «142 millions de repas distribués». La distribution d’aide alimentaire effectuée dans la rue par l’association a également augmenté de 25 % depuis deux ans. Selon les Restos, plus de la moitié des personnes accueillies (53 %) «ont déclaré avoir connu une perte de ressources liée à la crise» et pour 15 % des bénéficiaires des Restos, c’est la crise du Covid-19 qui les a conduits à solliciter l’aide des Restos.
«Lutter contre la reproduction de la pauvreté»
La semaine dernière, le Secours catholique dressait un bilan semblable dans son état des lieux de la pauvreté en France. Interrogé par Libération, Jean Merckaert, directeur du plaidoyer France-Europe au Secours catholique-Caritas, expliquait qu’«avec la crise […], beaucoup ont subi une perte de revenus. Nous avons vu de nouveaux profils venir chercher de l’aide alimentaire : les étudiants, les autoentrepreneurs, les artisans, les saisonniers, les apprentis, etc.». «La situation s’aggrave avec la hausse des prix de l’énergie : pour payer les factures, les arbitrages se font souvent au détriment de l’alimentation», analyse Patrice Douret, président des Restos.
Au cœur de l’alerte des Restos : les familles monoparentales et les jeunes. «50 % des personnes que nous aidons ont moins de 25 ans et 40 % sont mineurs», peut-on lire dans le communiqué. «L’an dernier, nous avons par ailleurs soutenu les familles de 59 000 bébés âgés de moins de dix-huit mois», rapportent les Restos pour qui «il est urgent de lutter contre la reproduction de la pauvreté». Autre préoccupation de l’association : la qualité des denrées alimentaires distribuées et le développement des circuits courts. «L’Etat doit s’engager à améliorer la gestion du Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), sauvé jusqu’en 2027, mais qui doit permettre d’assurer une plus grande diversité de produits», enjoint-elle.
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L’association entend aussi, avec cette 37e campagne, mettre l’accent sur l’accompagnement des personnes isolées. «Pour renforcer le maillage territorial de nos 1913 centres d’activités, nous allons doubler le nombre de centres itinérants en milieu rural pour venir en aide à toutes les personnes démunies» et «agir contre la fracture numérique».
«Fidèles à nos valeurs […], comme l’accueil inconditionnel, l’absence de jugement de jugement de la personne qui demande une aide personnalisée, et à la gratuité de l’aide, nous allons encore renforcer notre présence […] pour répondre aux défis posés par la crise», fait savoir l’association, faisant sans doute référence à la quasi-totalité des bénévoles qui avaient démissionné en octobre de l’antenne de Fréjus contre l’accueil inconditionnel des migrants.