Le jihadiste français Salah Abdeslam, condamné à la perpétuité incompressible en France pour les attentats du 13 novembre 2015, a refusé ce lundi matin de comparaître à Bruxelles au procès des attaques terroristes commises en mars 2016 dans la capitale belge, qui avaient fait trente-deux morts et plus de 340 blessés.
Les neuf accusés ont été extraits de prison, Salah Abdeslam compris, alors qu’il ne prévoyait pas d’être transféré à cette audience procédurale, selon ses avocats. Quelques minutes seulement après l’ouverture de l’audience, vers 9 h 30, il a souhaité quitter le box. «La manière dont vous nous traitez, c’est inéquitable», a-t-il dénoncé à l’adresse de la présidente. Plusieurs coaccusés se sont également fait escorter hors de leurs boxes, comparés à des «cages» par les avocats de la défense.
«On est comme des chiens ici»
«On est comme des chiens ici», a ainsi tonné le Tunisien Sofien Ayari, complice de la fuite d’Abdeslam, en frappant du poing la paroi de verre. Alors qu’il avait initialement exprimé le souhait de rester, Salah Abdeslam, fine barbe et polo rayé bleu et blanc, s’est ravisé en constatant le départ de Mohamed Abrini, Sofien Ayari et d’autres coaccusés.
«Je sais que ce n’est pas votre décision, ces boxes», a-t-il lancé à la présidente, mais à cause de cela «le procès commence de manière inéquitable». «La plupart des accusés ne veulent pas comparaître, moi aussi je vais les rejoindre» dans les cellules du bâtiment de justice, a-t-il ajouté. Seuls trois accusés ont accepté de rester.
Suivant ses confrères qui comptaient demander la «démolition» des boxes individuels dès l’ouverture de l’audience, Stanislas Eskenazi, conseil de Mohamed Abrini, a apostrophé la cour : «Madame la présidente, détruisez-moi ce truc […], on ne peut pas tenir un procès dans ces conditions, ne tolérez pas ça ! Vous avez le pouvoir de les démonter, démontez-les !»
Selon les avocats, une atteinte au droit de la défense
La cour n’en est pas tombée de sa chaise : cet été, plusieurs avocats ont menacé de boycotter le procès si ces conditions de présentation à l’audience étaient imposées à leurs clients. «Le 12 septembre, il y aura une véritable fronde», avait menacé Sébastien Courtoy, représentant Smaïl Farisi, logeur des frères kamikazes El Bakraoui. «Mettre les accusés dans de telles boîtes, c’est dire au jury : “ils sont coupables”», insistait-il auprès du quotidien le Soir, en évoquant comme d’autres confrères une violation de la présomption d’innocence. Me Stanislas Eskenazi était allé jusqu’à évoquer «un simulacre de procès si les accusés sont présentés de la sorte».
Autre point de discorde : l’impossibilité, selon plusieurs avocats de la défense, de tenir un dialogue confidentiel avec leur client. Outre une porte close à l’arrière, l’unique ouverture consiste en une mince fente, telle une boîte à lettres, permettant l’échange de documents. Un «aquarium», un «bocal», une «cage de verre» : les mots ne manquent pas pour qualifier ces boxes déjà testés lors des auditions du volet belge des attentats du 13 Novembre.
Le procès ouvert aujourd’hui concerne les attentats du 22 mars 2016, lors desquels deux jihadistes se sont fait exploser à l’aéroport international de Bruxelles-Zaventem, et un troisième une grosse heure plus tard dans le métro de la capitale européenne. Trente-deux personnes avaient été tuées, et 340 autres blessées. A ce procès devant les assises de Bruxelles, les débats ne doivent s’ouvrir qu’en octobre. Mais une audience préliminaire doit régler ce lundi divers points de procédure, et notamment fixer l’ordre de passage des témoins qui se succéderont à la barre, a priori jusqu’à juin 2023.
Mis à jour à 15 h 29 avec davantage d’éléments.