Un silence de fatigue. Les coudes sur la table, Isabelle cherche ses mots. Ses yeux clairs ne cachent pas son regard sombre. Elle cause de sa vie et de son fils aîné, Charles, depuis deux longues heures. La professeure de français dans un collège de la banlieue parisienne enchaîne les cafés noirs. Elle tourne en rond. «Je ne comprends pas.» Son fils aîné – le second est mineur – a glissé un bulletin «Jordan Bardella» dans l’urne aux européennes. «Je ne comprends pas», insiste la maman dans cette brasserie de Seine-Saint-Denis à moitié vide. Isabelle, 53 ans, se réveille au milieu des nuits. Charles récidivera trois semaines plus tard lors du premier tour des législatives. Comment l’extrême droite a-t-elle réussi à franchir la porte de sa maison ? Charles, 20 ans, est le premier de sa famille à rouler pour le Rassemblement national. «J’ai déjà croisé des électeurs, des connaissances lointaines et sans importance qui ont voté Le Pen, mais jamais dans la famille. Jamais, souffle Isabelle. C’est la première fois et c’est douloureux.»
Loin d’être un cas rare. En juin, j’ai échangé avec plusieurs personnes dans la même situation. Des parents qui tournent en rond en se grattant la tête. Des électeurs de gauche qui ont vu leurs gamins voter pour Jordan Bardella. Des