Nous vous mettons au défi de lire l’interview que nous avons recueillie de Robert Badinter sans ressentir une bouffée d’émotion. D’abord parce qu’il est le dernier signataire vivant de ce texte historique qui, le 30 septembre 1981, a aboli la peine de mort en France, seul pays d’Europe occidentale où cette pratique d’un autre âge subsistait. Ensuite parce qu’il en est le principal artisan.
Sens de l’histoire
Certes, il a d’abord fallu que François Mitterrand soit élu président de la République et applique la cinquante-troisième de ses 110 propositions de campagne. Mais sans la force de conviction, sans le talent d’orateur de son garde des Sceaux, le tournant n’aurait peut-être pas été pris car les Français restaient alors majoritairement en faveur de la peine capitale. «Notre justice comme toute justice humaine est nécessairement faillible», a-t-il plaidé. Comment décider, en conscience, d’infliger la mort après de tels mots ? Enfin, parce qu’à 93 ans, cet homme se bat encore pour qu’un jour l’abolition de la peine de mort devienne universelle. «Je lutte pour ça», nous a-t-il confié et l’on sait que chez lui ce ne sont pas des mots prononcés à la légère. Chapeau bas.
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Robert Badinter ne verra sans doute pas ce jour advenir de son vivant car les résistances restent fortes dans divers pays du monde (Chine, Iran, Arabie pour n’en citer que quelques-uns) mais son combat n’est pas vain et il le sait. Depuis quarante ans, des avancées ont été obtenues, jusqu’à la Virginie en début d’année après le Colorado en 2020 qui ont compris le sens de l’histoire. Pourquoi ? Toutes les statistiques montrent que la peine de mort n’est absolument pas dissuasive. Tous les chiffres et toutes les cartes établissent un lien réel entre racisme et peine de mort, dictature ou obscurantisme et peine de mort. Quel candidat ou quelle candidate aux plus hautes fonctions souhaiterait ramener son pays à cet âge de pierre où la loi du talion primerait ? Certainement pas un homme ou une femme de valeur(s).