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Libération
Reportage

Rassemblement pour Géraldine, prostituée trans assassinée : «Ce n’est pas un fait divers mais un fait politique»

Personnes transgenres, migrantes et travailleuses du sexe ont rejoint les associations de défense des droits des personnes transgenres mardi 16 juillet pour rendre hommage à Géraldine, travailleuse du sexe péruvienne trans tuée le 9 juillet.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées mardi 16 juillet en fin de journée place du Trocadéro, à Paris, pour rendre hommage à Géraldine, travailleuse du sexe transgenre. (Raphael Kessler/Hans Lucas. AFP)
par Pénélope Gualchierotti
publié le 17 juillet 2024 à 11h37

Des exclamations en espagnol résonnent partout, les drapeaux bleu, rose et blanc affluent, les manifestants se prennent dans les bras. «Elle est belle la communauté trans», se réjouit au micro Giovanna Rincón, figure de la lutte pour les droits des personnes transgenres en France.

Quelques centaines de personnes se sont rassemblées mardi 16 juillet en fin de journée place du Trocadéro, à Paris, sur le parvis des droits de l’homme, pour rendre hommage à Géraldine, travailleuse du sexe transgenre. Retrouvée morte le 9 juillet dans le XVIe arrondissement de Paris, la travailleuse du sexe trans péruvienne de 30 ans «travaillait […] pour aider financièrement sa mère et toute sa famille», selon le Syndicat du travail sexuel (Strass).

La mère de la jeune femme a fait le déplacement depuis Lima pour prononcer difficilement quelques mots : «Géraldine, tu pars de ce monde comme un martyr de la haine trans. Ta mort ne sera pas une anecdote. […] Continuons la lutte ! Un jour, nous verrons ce monde changer.» Les manifestants, très émus, répondent en chœur : «Justicia ! Justicia !»

«C’est un acte délibéré de transphobie»

«Ce n’est pas un fait divers mais un fait politique. Ces meurtres se produisent encore et encore», affirme Mimi, présidente de l’association Acceptess-T, luttant pour les droits trans, sous les acclamations de la foule. Pour les associations de défense des droits des personnes transgenres, c’est en raison de sa transidentité que Géraldine a été tuée. «Les femmes trans sont toujours explicites sur les sites d’escorting, précise la présidente d’Acceptess-T. C’est un acte délibéré de transphobie qui a eu lieu.»

L’assassin présumé s’est présenté de lui-même dans un commissariat des Hauts-de-Seine, indiquant avoir poignardé une escort girl après s’être rendu compte de sa transidentité. L’homme de 22 ans aurait «expliqué à la police avoir paniqué et avoir été “trompé” en découvrant la transidentité de Géraldine», d’après le communiqué des associations Acceptess-T, PASTT et Strass. Il a été mis en examen et écroué. «La haine transphobe a été amplifiée par le fait qu’elle était aussi travailleuse du sexe et migrante. L’intersectionnalité est très importante ici. Les stigmates se sont additionnés», analyse Giovanna Rincón, qui regrette que «la notion de transféminicide» ne soit pas reconnue dans «le système juridique français».

Jade Dubois, Miss Trans France 2019, âgée de 25 ans, témoigne de ces violences transphobes quotidiennes : «On est agressé tout le temps. J’ai été frappée il y a un mois en boîte de nuit à Paris. On m’a dit “toi, le travelo, bouge !” Je refuse de vivre dans la peur.»

«Je ne sais pas si je vais rentrer»

«Les communautés trans sont en colère de porter encore une fois ce tee-shirt pour la mort de Géraldine», regrette Giovanna Rincón. Autour d’elle, des personnes arborent sur leur poitrine une photographie de la jeune femme. Une rose blanche à la main, la foule s’est également réunie pour célébrer le souvenir des précédentes victimes travailleuses du sexe transgenres et étrangères, telles que Vanesa Campos en 2018 ou Jessyca Sarmiento en 2020. Leurs prénoms sont scandés : «Géraldine ! Presente [«Présente», ndlr] ! Vanesa ! Presente ! Jessyca ! Presente !»

Paola, originaire du Pérou, travailleuse du sexe au bois de Boulogne depuis vingt ans, a perdu espoir : «Ce n’est ni la première ni la dernière fois que ça arrive. Malheureusement, il y a tout le temps des violences. Cela va continuer.» Elle dit vivre dans la peur : «Je flippe quand je sors de chez moi pour travailler, je ne sais pas si je vais rentrer. Cela peut arriver à n’importe qui.»

La plateforme Jasmine, qui permet aux travailleurs du sexe d’émettre des alertes pour prévenir leurs pairs en cas de menaces ou de violences de la part de clients, a recensé 1 574 faits de violences depuis le début de l’année 2024. «Des clients m’ont blessée, frappée, insultée. Mais si je dénonce cette violence, je ne suis pas écoutée par la police, pointe Yvanna, travailleuse du sexe péruvienne sans papiers depuis deux ans. Nous n’avons pas de droits.»

Les organisations présentes, à l’instar d’Amnesty International, appellent le futur gouvernement à «faire barrage à la transphobie, donner des droits aux personnes transgenres» mais surtout «abroger la loi de 2016 qui pénalise les clients car elle met en danger les travailleurs du sexe, les isole».

Giovanna Rincón salue la présence de plusieurs personnalités politiques lors du rassemblement. «Vous avez obtenu nos voix, maintenant nous vous demandons de décriminaliser le travail du sexe», a-t-elle insisté. Clémence Guetté, députée insoumise présente lors de la manifestation, a rappelé sur X : «Celles et ceux qui participent au discours transphobe sont complices des assassins.»