Comme chaque hiver, le massif des Corbières baigne dans un soleil laiteux, les pieds de vignes glacés tels des mains squelettiques tendues vers le ciel. Depuis des siècles, ce paysage occitan de pierres et de pins se prête aux utopies sacrées ou occultes à l’abri des regards, malgré un indéfectible fond anticlérical : le catharisme est un zombie tenace. Ici, les hommes ont longtemps enterré leurs morts en fumant des clopes à l’extérieur de l’église où il était hors de question de mettre un orteil. C’est pourtant là, à Lagrasse (Aude), au bout d’une route sinueuse comme un toboggan à 40 kilomètres de Carcassonne, la préfecture, que la fine fleur des réacs parisiens a trouvé son «oasis» : une abbaye où l’on célèbre la messe en latin. Ils en ont tiré un livre, Trois Jours et Trois Nuits, emphatique rumination antimoderne à la radicalité stupéfiante mais pile-poil dans le zeitgeist, visant à dépeindre le petit village en hameau endormi avant l’électrochoc catho. Comprendre : un modèle à suivre pour la nation.
Sur place, néanmoins, on tique. Car avant les robes de bures et leurs amis télégéniques, à Lagrasse, il y a eu les intellos en cols Mao. Le cheveu désormais blanchi et l’accent rocailleux, ils ont fait du village, en un quart de siècle, un haut lieu de rencontres philosophiques avec leur Banquet du livre estival, résolument marqué à g