A quelques pas du Stade de France, un bâtiment de cinq étages orné de deux grandes banderoles verticales, dont l’une porte l’inscription «Scientology». Considérée en France comme une secte par plusieurs rapports parlementaires, l’Eglise de scientologie a inauguré samedi 6 avril un nouveau centre de formation aux portes de Paris, à Saint-Denis.
«Bataille administrative âpre»
Dans son dernier rapport datant de 2021, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) soulignait que ce choix de localisation à Saint-Denis n’était «pas anodin». «Le bâtiment de cinq étages se situe à proximité du Stade de France, du futur village olympique et de l’autoroute A1 d’où le mouvement pourrait rendre visible la croix à huit branches, son symbole», écrivait la Miviludes. «Il y a régulièrement un risque, autour des grands événements sportifs, d’opérations de tractage par des organisations connues», précise le chef de la Miviludes, Donatien Le Vaillant.
«La mairie subit cette ouverture et regrette que cet immeuble n’ait pas été préempté quand la Scientologie l’a acheté. L’erreur fondamentale [a été commise] à cette époque», a déclaré la municipalité de Saint-Denis, dirigée par le socialiste Mathieu Hanotin. La ville s’était lancée dans une «bataille administrative âpre» avec l’Eglise depuis l’acquisition de l’immeuble par une société immobilière en 2017. En 2019, l’ancienne municipalité communiste avait refusé la création d’un établissement recevant du public, invoquant des manquements en matière de sécurité incendie et d’accessibilité. Après une première annulation de l’arrêté municipal, la justice administrative avait confirmé cette décision en appel en décembre 2021, estimant que le refus de travaux relevait d’un «détournement de pouvoir».
«Stratégie de reconquête à grande échelle»
La mairie a indiqué être vigilante aux tentatives de prosélytisme, après avoir constaté des démarchages près du métro et des terrasses de café. Saint-Denis est «une ville d’émancipation, de progrès et de savoirs», souligne son communiqué. En 2021, la Miviludes avait enregistré 33 saisines concernant l’Eglise de scientologie et relevé dans son rapport une «stratégie de reconquête à grande échelle» et un «manque de transparence du groupe», qui dispose déjà de deux centres plus petits à Paris et de deux autres en France, à Angers et Clermont-Ferrand. En toute légalité : en France, la Scientologie opère sous le statut d’association loi 1901, même si elle aurait pu être interdite en 2013 après une condamnation définitive pour «escroquerie en bande organisée», «recel aggravé», «extorsion» et «exercice illégal de la médecine».
Récit
Donatien Le Vaillant s’est dit «conscient des risques» de prosélytisme, en assurant que «les services de l’Etat ont, avec la préfecture, une action pour sensibiliser aux risques de dérives sectaires» dans leur ensemble. L’association Centre d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) a, elle, lancé un «appel à la vigilance» sur cette installation «à la veille des JO» de Paris, événement mondial «propice au recrutement». En 2022, l’Eglise de scientologie, fondée en 1952-1953, revendiquait «40 000 à 45 000 membres toutes catégories confondues [du plus assidu au moins impliqué]» en France. Un bon connaisseur du dossier, se fondant sur des témoignages d’anciens adeptes, estime quant à lui ce chiffre à «quelques centaines au maximum».