Le séisme, puis les répliques. «“Une petite dizaine de nouveaux signalements” ont été réalisés sur la plateforme du groupe “Egaé”, dédiée au recueil de la parole de victimes éventuelles» de l’abbé Pierre, ont révélé mardi 23 juillet les journaux du groupe de presse quotidienne régionale EBRA. Ils ont été enregistrés après la publication d’un rapport accusant le prêtre de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles de la fin des années 70 à 2005. La semaine précédente, le prêtre – Henri Grouès de son vrai nom – mort en 2007, était mis en cause dans une enquête indépendante commandée par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre, plongeant le monde catholique dans le désarroi. Sept femmes avaient alors témoigné.
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«Nous avons mis en place un appel à témoignage et un dispositif d’écoute justement parce que nous pensions qu’il pouvait y avoir, à la lumière des premiers éléments récoltés, d’autres femmes concernées, indique ce mercredi 24 juillet le mouvement Emmaüs à Libération. Le dispositif mis en place a logiquement reçu des mails et des appels. Ceux-ci vont être analysés et des entretiens seront organisés avec les personnes qui le souhaitent.»
Une «synthèse précise des témoignages reçus» doit ainsi être réalisée à l’issue d’éventuels entretiens avec les personnes qui ont témoigné depuis la publication du rapport. Le processus pourrait prendre du temps, notent les journaux du groupe EBRA. A ce jour, «aucune information n’a filtré quant à la nature de ces nouveaux faits qui ont été signalés sur la plateforme».
Des contacts physiques non sollicités
Douze personnes ont déjà été entendues entre le 10 avril et le 5 juin 2024, de manière anonyme. Les faits remontés dans l’enquête commune au mouvement Emmaüs et à la Fondation Abbé-Pierre font état de «comportements inadaptés d’ordre personnel, d’une proposition sexuelle, de propos répétés à connotation sexuelle, de tentatives de contacts physiques non sollicités, de contacts non sollicités sur les seins» de la part de l’homme d’Eglise, célèbre pour son engagement en faveur des démunis, des sans-toit et des sans-droits.
Dans cinq cas, des contacts physiques non sollicités par les victimes concernent notamment une «zone sexuelle», note le rapport. «Une fois, en 2005 [deux ans avant la mort de l’abbé Pierre, ndlr], nous étions à Florence, il était alors en fauteuil roulant. Lorsque je suis allée le saluer, il m’a touché les deux seins», témoigne par exemple l’une des victimes. Une autre fait état d’un baiser forcé en 1982, au retour d’un voyage en Italie, à la demande de l’abbé Pierre. Elle était à peine majeure : «Il a introduit sa langue dans ma bouche d’une façon brutale et totalement inattendue.»
Selon le rapport, plusieurs personnes étaient «informées que l’abbé Pierre avait un comportement inadapté envers les femmes, sans forcément prendre conscience de la réalité des violences commises». A la suite de sa publication le 17 juillet, l’Eglise catholique avait exprimé sa «douleur» et sa «honte» tout en affirmant sa «détermination à se mobiliser pour faire de l’Eglise une maison sûre».