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Antisémitisme : le nombre d’actes multiplié par quatre l’an dernier, surtout après le 7 octobre

Le nombre de cas d’antisémitisme a été multiplié par quatre en un an, selon un rapport publié ce jeudi 25 janvier par le Conseil représentatif des institutions juives de France. L’organisation remarque une «explosion» des cas depuis les attaques meurtrières du Hamas contre Israël.
Dans près de 60% des cas, les actes recensés l'an dernier ont visé des personnes. (Terreur Graphique/Libération)
publié le 25 janvier 2024 à 9h16

C’est un déchaînement. Le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi en 2023, passant de 1 676 cas signalés contre 436 en 2022, soit une multiplication par quatre en un an, selon un rapport publié ce jeudi 25 janvier par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Les chiffres compilés ont été «recensés par le ministère de l’Intérieur et le Service de Protection de la communauté Juive (SPCJ)», mais ils ne reflètent «qu’une partie» des actes antisémites, ceux qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’un signalement à la police, rappelle le Crif.

Jamais un tel niveau n’avait été atteint, assure Yonathan Arfi, le président du Crif, qui déplore une «explosion» des cas après le 7 octobre, date des attaques meurtrières du Hamas contre Israël. Il rappelle qu’«on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 90, quelques centaines sur la période 2000-2022».

Dans six cas sur dix (57,8 %), les actes recensés l’an dernier ont été des atteintes aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants…) plutôt qu’aux biens. Dans plus de 40 % des cas, il s’agissait de «propos et gestes menaçants». Et s’ils ont été surtout commis dans la sphère privée (32 %) et sur la voie publique (20,4 %), 7,5 % ont été recensés sur internet.

Autre point inquiétant pour le Crif, 12,7 % des actes ont eu lieu en milieu scolaire, dont une majorité au collège. «On assiste à un rajeunissement des auteurs d’actes antisémites. L’école n’est plus un sanctuaire de la République», déplore-t-il. «Pour la première fois depuis longtemps, les générations qui arrivent sont plus poreuses aux préjugés antisémites que les générations précédentes», explique Yonathan Arfi, en identifiant «trois carburants» à ce phénomène : «la haine d’Israël, l’islamisme et le complotisme».

«Catalyseur à la haine»

En France, pays qui abrite la plus grosse communauté juive d’Europe (environ 500 000 personnes), le Crif constate une «explosion» (+1 000 %) des actes antisémites après le 7 octobre. Durant les trois mois qui ont suivi, leur nombre «a égalé celui des trois années précédentes cumulées». «Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l’acte», estime Yonathan Arfi, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène.

L’attaque du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1 140 personnes. En réponse, Israël a lancé une vaste opération militaire qui a tué 25 700 Palestiniens, selon un dernier bilan du ministère de la Santé du mouvement islamiste.

En 2012 déjà, après l’attentat contre une école juive de Toulouse où trois enfants et un enseignant avaient été tués par le délinquant radicalisé Mohamed Merah, une hausse de 200 % des actes antisémites avait été constatée. La progression avait été de 300 % après l’attaque jihadiste contre le supermarché Hypercacher, en 2015. «Après le 7 octobre, on aurait pu avoir un effet d’empathie, un effet vaccin, ça a été le contraire», soupire le président du Crif.

Ainsi, d’une quarantaine chaque mois sur la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre. Une décrue en fin d’année «difficile à analyser» pour le président du Crif, qui reste prudent : «Il y a eu les vacances, sans doute une baisse d’intensité…» «On reste très loin des chiffres d’avant le 7 octobre», souligne-t-il, en déplorant le «manque de réprobation sociale de l’antisémitisme».

Rappelant que certains ont pu être tentés de masquer ce qui pourrait les désigner comme juifs - une mezouza à la porte, un nom sur la boîte aux lettres…-, Yonathan Arfi s’inquiète : «le risque à la fin est celui d’une invisibilisation des juifs dans l’espace public. C’est une victoire qu’il est hors de question de servir aux antisémites». Car «l’antisémitisme est une question qui dépasse les juifs, et dit quelque chose des sociétés ou il se développe», martèle-t-il.