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Conclave : déroulé, rituels, vie quotidienne… les six choses à savoir sur le cérémonial

Pape Léon XIVdossier
Alors que les cardinaux s’enferment à partir de ce mercredi après-midi dans la chapelle Sixtine pour ce 26e conclave chargé d’élire, dans le plus grand secret, le successeur du pape François, «Libération» revient sur le déroulé de ce cérémonial très codifié.
Les cardinaux à la Sainte Messe, célébrée pour l'élection du nouveau pape, dans la basilique Saint-Pierre, au Vatican, le 7 mai 2025. (Murad Sezer/Reuters)
publié le 7 mai 2025 à 13h19
(mis à jour le 7 mai 2025 à 13h33)

Durant le conclave qui débutera ce mercredi après-midi, 133 cardinaux électeurs se réuniront à huis clos dans la chapelle Sixtine pour élire dans le plus grand secret le successeur du pape François. Libé fait le point sur les détails de ce vote, régi par la Constitution apostolique Universi Dominici Gregis, édictée par Jean-Paul II en 1996.

Le serment du secret

Lundi 5 mai, tous ceux devant assister au déroulement du conclave – qu’ils soient ecclésiastiques ou laïcs (médecins, chauffeurs, cuisiniers, personnel de sécurité et de nettoyage) – ont prêté le serment de garder le secret absolu, sous peine d’excommunication. Toute communication avec l’extérieur (téléphone portable, internet, journaux) est donc strictement interdite, sauf pour des cas exceptionnels.

Tous les endroits où ils vivent et travaillent sont couverts par des appareils de brouillage empêchant l’utilisation de téléphones portables. Et lorsque les cardinaux se rendent à pied, sur 500 mètres, de la résidence Sainte-Marthe où ils logent jusqu’à la chapelle Sixtine, la circulation des véhicules et des piétons est interrompue pour leur empêcher tout contact.

Le lieu du conclave

La totalité du conclave se déroule dans la chapelle Sixtine, la plus grande des chapelles du palais du Vatican, édifiée entre 1475 et 1481. Elle abrite plusieurs chefs-d’œuvre de la Renaissance, dont les célèbres fresques de Michel-Ange, notamment celle du Jugement dernier, qui orne le mur de l’autel.

Une vidéo diffusée mardi par le Vatican permet de mesurer la solennité du cadre : double rangée de tables recouvertes de lourd tissu, aiguille pour percer les bulletins, places nominatives indiquées par un chevalet et sous-main à rabats rouge frappé des armes du Saint-Siège.

Les cardinaux électeurs, ceux âgés de moins de 80 ans, sont logés pendant tout le conclave dans la résidence Sainte-Marthe au Vatican, et la résidence voisine, Santa Marta Vecchia. Chaque cardinal dispose d’une chambre, tirée au sort pour ne pas faire de jaloux.

Le dress code

Les cardinaux de l’Eglise latine portent selon le Vatican une «robe rouge avec ceinture, rochet [une aube courte, ndlr] mosette [une pèlerine courte], croix pectorale avec cordon rouge et or, anneau, calotte et barrette», tandis que ceux des Eglises orientales sont vêtus de leurs propres habits ecclésiastiques.

Habituellement, la soutane blanche pour le pape élu est préparée à l’avance en trois tailles différentes : S, M et L pour correspondre à toutes les morphologies. Cette fois-ci, le fournisseur ancestral des soutanes – la maison Gamarelli – n’a pas été sollicité.

La table

Les règles sont strictes, même à table. Comme le décrit le quotidien italien Corriere della Serra, le repas est préparé par les religieuses des Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul. Tous les mets préparés en dehors des cuisines du Vatican sont interdits.

Le menu de base comprend un petit-déjeuner simple, un déjeuner léger à base de viande blanche ou de poisson, accompagné de légumes cueillis dans les jardins du Vatican. Puis, le soir, le dîner est à base de céréales, de légumes, de poisson cuit au four ou à la vapeur et de fruits de saison. «Les cardinaux ont besoin d’un esprit clair et d’un corps pas trop fatigué par la digestion, explique Mila Fumini, historienne italienne, au quotidien. Les desserts ne sont pas autorisés non plus, sauf les plus simples, comme les biscuits secs ou les tartes, et le vin avec modération.»

Les spiritueux et les alcools les plus forts sont, eux, totalement bannis des tables des cardinaux. Autre interdiction pour la moins surprenante : la consommation d’asperges est strictement interdite. Les raisons de ce bannissement demeurent inconnues.

L’élection à bulletin secret et à la main

Mercredi après-midi, après une prière dans la chapelle Pauline, voisine de la Sixtine à 16 h 30, les cardinaux vont entrer en procession, au chant de la litanie des saints, dans la chapelle Sixtine à 17 heures. Après le dernier chant liturgique, Veni Creator, les cardinaux prêtent serment. Selon un rituel immuable hérité du Moyen Age, le maître des célébrations liturgiques prononce la formule «extra omnes» (tous dehors). Les personnes étrangères aux votes quittent les lieux. Le cardinal italien Raniero Cantalamessa prononce la méditation devant les cardinaux, puis quitte la chapelle avec le maître des célébrations.

Assis côte à côte sous la fresque monumentale de Michel-Ange, les cardinaux reçoivent des bulletins de papier rectangulaires portant en haut l’inscription «Eligo in Summum Pontificem» («J’élis comme souverain pontife») avec un espace vide en dessous. Les électeurs écrivent à la main le nom de leur candidat, «d’une écriture non reconnaissable». En théorie, il est interdit de voter pour soi-même.

Chaque cardinal se rend à tour de rôle à l’autel, portant en l’air son bulletin de vote – plié deux fois – de manière qu’il soit bien visible, et prononce à haute voix le serment suivant en latin : «Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu.» Il dépose son bulletin sur un plateau et le fait glisser dans l’urne, devant les scrutateurs, s’incline vers l’autel et retourne à sa place.

Une fois tous les bulletins recueillis, un scrutateur agite l’urne pour mélanger les bulletins, les transfère dans un deuxième récipient puis un autre en fait le compte. Deux scrutateurs notent les noms, tandis qu’un troisième les lit à haute voix, en perçant les bulletins avec une aiguille à travers le mot «Eligo» et les relie les uns aux autres. Si aucun cardinal n’a obtenu les deux tiers des voix, les électeurs passent directement à un deuxième tour.

A l’exception du premier jour, les cardinaux procèdent à quatre scrutins par jour, deux le matin et deux l’après-midi jusqu’à ce qu’un pape soit proclamé. Après trois journées sans résultat, le scrutin est interrompu «pendant un jour au maximum, afin de laisser place à la prière» et «à un libre-échange entre les votants». Puis d’autres séries de scrutins sont organisées jusqu’à l’élection définitive.

L’annonce du nouveau pape

L’élection ne devrait pas durer plus d’une quinzaine de jours. Les trois derniers conclaves (2013, François ; 2005, Benoît XVI ; 1978, Jean-Paul II) ont réglé la question de la succession en deux jours.

La salle du conclave contient deux poêles. Le premier est historique, il date de 1939, et servira à brûler les bulletins de vote à l’issue de chaque scrutin. Le second, installé en 2005, sert à la combustion des produits chimiques fumigènes, qui donnent la couleur à la fumée, noire ou celle tant attendue, blanche. La cheminée est visible par les fidèles depuis la place Saint-Pierre. Les cloches de la basilique Saint-Pierre sonnent pour annoncer aussi la nouvelle.