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Catholicisme

«Dignité humaine» : le Vatican et le pape François réaffirment leur opposition à l’euthanasie

Dans un texte publié ce lundi 8 avril, l’Eglise catholique réaffirme son opposition à l’IVG et à l’euthanasie au moment où la France s’apprête à ouvrir un débat parlementaire sur la fin de vie.
Le pape François au Vatican, samedi 6 avril. (Alberto Pizzoli/AFP)
publié le 8 avril 2024 à 20h29

Le Vatican persiste et signe. Dans un texte publié ce lundi 8 avril à Rome, l’Eglise catholique réaffirme sa ferme opposition à l’avortement et à l’euthanasie au moment même où la France s’apprête à ouvrir un débat parlementaire sur la fin de vie et a inscrit le droit à l’IVG dans sa Constitution. S’intitulant Dignitatis infinita («Une dignité infinie» en latin) le texte, émanant du dicastère pour la doctrine de la foi, organe chargé du dogme à la curie romaine et approuvé par le pape, liste une quinzaine de «violations concrètes et graves» de la dignité.

«Le pape François, un réformateur ? Toutes les grandes condamnations contemporaines de l’Eglise catholique figurent dans ce texte», s’agace un théologien (lui-même catholique) et spécialiste d’éthique. A son habitude, le Vatican remet, selon ses vues, des pendules à l’heure. Dans ce texte, le préfet de l’ex-Saint-Office (l’Inquisition), devenu le dicastère pour la doctrine de la foi, Víctor Manuel Fernández, un théologien argentin, très proche du pape, entend lever des malentendus et des ambiguïtés sur la notion de dignité. Et développe son point ce vue en ce qui concerne l’euthanasie et le suicide assisté, des cas particuliers, selon lui, «d’atteinte à la dignité humaine, plus silencieux, mais qui gagne beaucoup de terrain». Selon le Vatican, les lois «parfois appelées lois sur le droit de mourir dans la dignité» utilisent «une conception erronée de la dignité humaine pour la retourner contre la vie elle-même. […] Face à ce constat, il faut réaffirmer avec force que la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable».

Tant bien que mal, Dignitatis infinita essaie aussi de concilier la pensée économique et sociale du pape François et une vision traditionnelle de la morale catholique. Selon le texte publié lundi par le Vatican, les atteintes à la dignité humaine ne sont donc pas exclusivement cantonnées à l’éthique. Elles incluent aussi bien la grande pauvreté que le sort des migrants ou encore les dommages infligés à l’humanité par les guerres, voire même la peine de mort. Des sujets centraux pour le pape François qui a fait en particulier de la condamnation de «l’empire de l’argent» et de la défense des migrants des axes constitutifs de son pontificat. «Les accueillir est une manière importante et significative de défendre la dignité inaliénable de chaque personne humaine indépendamment de son origine, de sa couleur ou de sa religion», affirme Dignitatis infinita.

Large catalogue

Au-delà du rappel de positions connues, le texte du Vatican inclut des problématiques sur lesquelles il ne s’était pas officiellement prononcé jusqu’à présent. Et parfois surprend, notamment dans sa ferme condamnation des féminicides ou encore de la criminalisation des personnes homosexuelles, des dossiers sur lesquels François est très attentif. «Il faut dénoncer comme contraire à la dignité humaine le fait que dans certains endroits de nombreuses personnes soient emprisonnées, torturées et même privées du bien de la vie uniquement en raison de leur orientation sexuelle», lit-on dans Dignitatis infinita. Mais, dans une espèce de «en même temps» macronien, le Vatican s’élève également vigoureusement contre ce qu’il appelle la «dilution de la différenciation sexuelle», condamne les transitions de genres et la gestation pour autrui.

Au final, ce texte sur la dignité humaine apparaît un peu comme un large catalogue ; ce qui ôte de la force à certaines prises de position. Après avoir fortement clivé, en décembre, l’Eglise catholique en autorisant (de manière très restreinte) la bénédiction des couples homosexuels, François – qui s’est beaucoup investi dans la conception de Dignitatis infinita, en chantier depuis cinq ans – évite soigneusement de creuser de nouveaux fossés et cherche, de manière préventive, à apaiser les polémiques.