Menu
Libération
Vatican

Election de Léon XIV : deux jours dans les coulisses de la chapelle Sixtine

Deux semaines après la désignation du nouveau pape, «la Croix» révèle les dessous du conclave.
Sur le balcon de la cathédrale Saint-Pierre, le 8 mai après l'élection de Léon XIV. (Beata Zawrzel /AFP)
publié le 21 mai 2025 à 12h45

Les voies du Seigneur sont peut-être impénétrables, celles du conclave de moins en moins. Le huis clos du Vatican véhicule pourtant tous les fantasmes, agite des millions de fidèles (et même de non-fidèles fascinés ou amusés par ce spectacle d’un autre âge) et mobilise autant de bookmakers qu’une Coupe du monde de football ou l’Eurovision : la fermeture des lourdes portes de la chapelle Sixtine, les cendres en lesquelles sont réduits les bulletins, le secret qui, depuis deux mille ans, préside à la désignation du pape… le décorum transforme chaque conclave en mystère pour lequel nombreux sont ceux qui aimeraient être une petite souris cachée dans le surplis d’un cardinal. Dans son édition de ce mercredi 21 mai, le quotidien la Croix publie une enquête fourmillant de détails sur le scrutin qui a abouti à l’élection du cardinal Prevost comme 267e successeur de saint Pierre. On y apprend que le natif de Chicago a plié le conclave bien plus rapidement qu’on aurait pu l’imaginer. Et de façon très nette.

Car ce n‘est pas moins de 100 voix, sur 133, qu’aurait recueillies l’Américano-Péruvien au quatrième tour de scrutin, le 8 mai (la majorité des deux tiers, fixée à 89, lui aurait suffi). C’est le cardinal italien Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican, qui serait sorti en tête du premier tour (le tour de chauffe intervenu après la clôture des portes de la chapelle Sixtine, le 7 mai, aux environs de 17 h 45), croit savoir la Croix, talonné par Prevost. Les conservateurs, eux, ont donné leurs voix au Hongrois Péter Erdö.

Rien n’est fait donc à l’aube du deuxième tour. Faudra-t-il faire émerger un candidat de compromis ? On a pu croire un temps que Prevost avait été ce celui-ci, apparu en cours de conclave, mais la dynamique semble pourtant bien s’être enclenchée dès le début du huis clos. «Il n’y a pas eu de mouvement violent dans les votes, le repli vers son nom s’est fait progressivement», confie un électeur du Sacré Collège au quotidien catholique français.

«Quelque chose s’est produit»

Prevost progresse au deuxième tour, puis au troisième. Il est presque midi, le 8 mai, quand la troisième fumée noire s’échappe ; pourtant les jeux sont déjà faits : l’ancien évêque du diocèse péruvien de Chiclayo est trop proche des 89 voix pour qu’un renversement soit possible.

A ce moment-là, raconte le cardinal belge Jozef De Kesel, «je me suis dit : “ce soir, nous avons un pape”». L’issue était à ce point prévisible que le futur Léon XIV profite de la pause de midi pour préparer son discours, là où ses prédécesseurs avaient improvisé leurs premiers mots au balcon de la cathédrale Saint-Pierre.

Sous l’œil des fresques de Michel-Ange, pas de conciliabules, de négociations serrées, de discussions tendues – dont le film Conclave déborde. Juste une évidence qui s’avance et que peu avaient vu venir. La main de Dieu, sans doute… C’est ce que confirme un cardinal européen, cité par la Croix : «Nous avons senti quelque chose, une ouverture à une dimension transcendante. […] Quand le troisième vote a été dépouillé, […] quelque chose s’est produit.»

Quand on passe au quatrième vote, Robert Prevost se tient la tête, semblant se recueillir au fur et à mesure qu’est prononcé son nom, une centaine de fois. Et quand le doyen des cardinaux – son ancien concurrent Pietro Parolin – lui demande son consentement, «c’est la sérénité qui se dégageait de son visage», dira ce dernier. Avant de demander au futur pontife son nom de pape. Léon XIV.