Ce n’est pas un raz-de-marée mais un tsunami. Jamais les actes antisémites n’avaient atteint, ces dernières décennies, une telle intensité en France. Pour l’année 2023, le Conseil réprésentatif des institutions juives de France (Crif) en recense 1 676, contre 436 l’année précédente, dans un rapport rendu ce jeudi 25 janvier – des chiffres issus des comptages du ministère de l’Intérieur et du Service de protection de la communauté juive (SPCJ). Ce déchaînement de haine a eu lieu principalement après l’attaque terroriste menée le 7 octobre par le Hamas, qui a fait 1 140 morts en Israël. En France, une augmentation de 1000 % des actes antisémites en octobre (564) et novembre a été enregistrée.
«On est entrés dans une ère nouvelle, un changement d’échelle de l’antisémitisme. Pour la première fois depuis trente ans, on compte ces actes en milliers alors que, dans les années 90, c’étaient quelques dizaines par mois, puis quelques centaines jusqu’en 2022», estime le président du Crif, Yonathan Arfi, dans un entretien au Parisien. Le responsable communautaire déplore notamment la «condamnation sociale faible» de cette flambée d’antisémitisme et s’inquiète que, «chez les jeunes, la tolérance» à son égard «soit plus grande». «On pensait que les générations passant, après la Seconde Guerre mondiale, la haine du juif disparaîtrait… Hélas non. Les chiffres augmentent en milieu scolaire», constate Yonathan Arfi. Selon les chiffres recensés par le Crif, 12,7 % des actes antisémites, en 2023, ont eu lieu à l’école.
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Dans six cas sur dix (57,8 %), les violences antisémites commises en 2023 le sont contre des personnes, c’est-à-dire des violences physiques, des propos ou gestes menaçants. Pour ce qui concerne ces derniers, une grande partie d’entre eux a lieu dans la sphère privée (32 %, le voisinage, par exemple) et sur la voie publique (20,4 %).
Ce n’est pas la première fois qu’un tel phénomène a lieu, en France, pays qui connaît «un antisémitisme diffus», selon le sociologue Michel Wieviorka qui, dans Libé fin novembre, jugeait déjà «préoccupant» le nombre d’actes recensés depuis le 7 octobre. Selon une mécanique assez bien identifiée, les actes antisémites ont bondi tragiquement à la suite de chaque attentat contre les Juifs perpétré dans l’Hexagone. Selon des chiffres officiels, en 2012, après l’attaque terroriste contre l’école Ozar Hatorah à Toulouse, ils avaient connu une hausse de 200 %. En 2015, après l’attentat contre le magasin Hyper Cacher, la progression avait été de 300 %. Toutefois, l’intensité de la flambée antisémite n’avait pas atteint le niveau de celle de la fin 2023.
«Ces chiffres effrayants étaient malheureusement attendus», estime de son côté Samuel Lejoyeux, le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). L’organisation s’inquiétait à l’automne de la montée de l’antisémitisme dans les universités. Elle propose un plan en dix points, mettant l’accent sur la formation des responsables associatifs, les études sur l’antisémitisme et des actions ciblées vers les jeunes, notamment ceux des quartiers populaires.