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Libération
Islam de France

Grande mosquée de Paris : un centenaire fêté avec Emmanuel Macron mais sans grande pompe

A l’invitation du recteur Chems-Eddine Hafiz, le chef de l’Etat a rendu hommage ce mercredi à cette institution prestigieuse construite il y a un siècle et aujourd’hui érigée en symbole. Flanqué de Gérald Darmanin et de Nicolas Sarkozy, le Président y a défendu à cette occasion sa vision de la laïcité.
Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz (3e en partant de la gauche), a reçu Gérald Darmanin, Emmanuel Macron et Nicolas Sarkoy à l'occasion du centenaire du début des travaux de l'édifice. ( Ludovic Marin/REUTERS)
publié le 19 octobre 2022 à 20h06

Sagement, les invités patientent assis, dans le patio de la Grande mosquée de Paris (GMP), au moins 300 personnes triées sur le volet, des responsables religieux comme le grand rabbin de France, Haïm Korsia, ou le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, des ambassadeurs de pays musulmans, des intellectuels comme l’islamologue Gilles Kepel. L’ambiance est assez peu chaleureuse. Pendant ce temps-là, le président de la République, Emmanuel Macron, en compagnie du recteur de la GMP, Chems-Eddine Hafiz, visite l’édifice et ses jardins, un lieu phare du centre de Paris qui fête, ce mercredi, son centenaire. Une modeste exposition commémore l’histoire du lieu.

La troupe se recueille ensuite devant la plaque qui commémore les soldats musulmans morts pour la France, au moins 70 000 pendant la Première Guerre mondiale. Dépôt de gerbe, sonnerie aux morts et Marseillaise chantée par deux voix puissantes de la Garde républicaine. Dans le patio couvert, les invités attendent toujours. Pendant sa visite, Emmanuel Macron est flanqué de l’ancien président Nicolas Sarkozy, grand ami de la GMP. Peu ou prou, l’institution a toujours penché à droite.

Renvoi d’ascenseur

Quand il prend (enfin) la parole devant le parterre d’invités, Emmanuel Macron évoque «l’émotion» de célébrer cet anniversaire et salue «l’extraordinaire aventure humaine» de la construction, au début du siècle dernier, de la Grande mosquée de Paris. Déjà évoqué par les orientalistes au XIXe siècle, le projet a été soutenu et porté par Lyautey, notamment pour rendre hommage aux combattants musulmans de la Grande Guerre. Macron insiste sur le symbole qu’est la GMP, celui de la «reconnaissance de la place des musulmans dans la société française». Au-delà des considérations historiques, la visite du Président est aussi un renvoi d’ascenseur. Pendant la campagne présidentielle, le recteur avait organisé à la GMP, un repas d’iftar (la rupture du jeûne pendant le ramadan) en soutien à la candidature d’Emmanuel Macron. L’affaire avait fait beaucoup de vagues dans les milieux musulmans.

Ce 19 octobre, c’est le premier discours du président Macron dans l’enceinte de la GMP, l’occasion, bien sûr, de parler de l’islam de France. Mais rien de nouveau : la feuille de route est toujours la même. Le chef de l’Etat tresse des lauriers à la GMP qui, selon lui, «porte la possibilité d’un islam en France fidèle aux valeurs de la République», se félicite de la loi controversée sur le séparatisme, compte sur le Forum de l’islam de France, lancé en février pour structurer l’islam au niveau national, même si l’instance fait un peu du sur place.

«Comportements provocateurs»

L’actualité pointe son nez dans le discours du Président, celle de la polémique sur le port des abayas dans les établissements scolaires et des atteintes à la laïcité. «A l’heure où la laïcité est battue en brèche, notamment dans nos écoles, je veux saluer le courage de tous ceux qui ont dénoncé ces derniers jours les comportements provocateurs et irresponsables d’une frange minoritaire de la jeunesse», déclare Emmanuel Macron, saluant nommément Kamel Kabtane, le recteur de la Grande mosquée de Lyon, qui n’a pas été invité au raout. Le discours présidentiel tourne ensuite au panégyrique de Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la GMP depuis janvier 2022, décoré dans la foulée des insignes d’officier de la Légion d’honneur.

Inaugurée en 1926, la GMP est une institution prestigieuse, chargée d’histoire, notamment pour avoir protégé des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Erigée avec des fonds français grâce à une loi votée quasiment à l’unanimité en 1920 par le Parlement et des donations de pays musulmans, l’édifice a longtemps été le symbole de l’islam de France. Il a été construit sur un terrain offert par la municipalité de Paris. Absent ce 19 octobre, l’ancien recteur Dalil Boubakeur, proche des milieux de droite, a tenté sans succès de garder ce leadership. En 2003, la création du Conseil français du culte musulman, enterré depuis deux ans, a donné une image plus diversifiée de l’islam de France. A la tête de la GMP depuis deux ans, Hafiz, sans réelle assise locale, se présente comme le chantre de la lutte contre l’islamisme. De quoi satisfaire le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avec qui il entretient de très bonnes relations.