Absent de la grande marche contre l’antisémitisme, Emmanuel Macron tente de reprendre la main (au moins médiatiquement) tandis que les fractures se creusent sur la question du conflit israélo-palestinien au sein de la société française. Les responsables des principaux cultes (chrétiens, musulmans, juifs et bouddhistes) ont été les premiers à être officiellement reçus, ce lundi 13 novembre à l’Elysée, après le succès de la manifestation, lancée à l’initiative des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. «Le président de la République craint que les tensions entre les communautés portent atteinte durablement au projet universaliste de notre pays», explique à Libération le pasteur et président de la Fédération protestante de France, Christian Krieger.
L’affaire de cette rencontre des cultes à l’Elysée a été rondement menée. Les premiers contacts ont été pris samedi soir, à peine vingt-quatre heures avant la tenue de la marche et le rendez-vous définitivement fixé dimanche en fin d’après-midi. «Elle avait eu lieu en écho à la marche de dimanche», appuie le grand rabbin de France, Haïm Korsia. «Je crois que le Président n’avait pas mesuré l’impact qu’aurait son absence à cette manifestation», plaide l’un des participants. «C’est habituel que les cultes soient reçus à l’Elysée quand le pays traverse des crises», tente de corriger, de son côté, le président de l’Union des mosquées de France (UMF), Mohammed Moussaoui.
«Le Président redoute effectivement que le fossé se creuse entre les communautés juive et musulmane»
Pendant deux heures, les responsables des cultes ont échangé avec le président de la République qui souhaite notamment les mobiliser en vue d’actions pédagogiques à l’intention des jeunes générations, très peu présentes dans la marche contre l’antisémitisme. «Le Président redoute effectivement que le fossé se creuse entre les communautés juive et musulmane, en particulier chez les jeunes», explique l’un des participants.
A l’Elysée, chacun a pu expliquer ses positions. Les relations entre les organisations juives et musulmanes, de fait, ne sont pas exemptes de tensions. «Il y a, c’est vrai, des incompréhensions», reconnaît Mohammed Moussaoui, qui évoque «un moment difficile». «Le discours contre les musulmans s’est libéré en particulier dans les médias», poursuit-il. Mohammed Moussaoui évoque en particulier une intervention d’Arno Klarsfeld sur CNews, où l’avocat laissait entendre que les ouvriers musulmans avaient accès facilement à des explosifs sur les chantiers. «Chaque musulman est considéré comme un terroriste potentiel», estime le président de l’UMF, souhaitant que ces propos soient condamnés par les institutions juives.
«Nous connaissons une crise de l’empathie»
Regrettant qu’aucune mention n’ait été faite aux souffrances du peuple palestinien et plus généralement à la lutte contre tous les racismes lors de cette manifestation, aucune organisation musulmane n’a appelé au rassemblement de dimanche. «J’aurais, bien sûr, préféré que les organisations musulmanes appellent à la manifestation de dimanche», pointe, de son côté, le grand rabbin de France.
«Nous connaissons une crise de l’empathie, estime le pasteur Krieger, expliquant que chacun s’enferme dans sa souffrance, sans entendre celle de l’autre. Il y a une concurrence victimaire qui s’installe.» Les trois cultes chrétiens (catholique, protestant et orthodoxe) ont décidé de mener une sorte de mission de médiation. Ce lundi après la rencontre à l’Elysée, ils ont rencontré successivement le grand rabbin, Haïm Korsia, et le recteur de la Grande Mosquée de Paris afin d’instituer un dialogue. «Nous sommes en train de réfléchir à nous rendre ensemble dans un quartier de la banlieue parisienne très pluriel», explique le pasteur Krieger.