Hélène, Philomène et Judith avaient donné rendez-vous à leurs jeunes à 12h30 devant la cathédrale Notre-Dame de Rouen pour pique-niquer. Mais, vers midi, un texto de leur chef invite les trois scouts parisiennes à lever le nez : dans un concert de sirènes, des fumées noires, puis des flammes sortent de la flèche de ce monument de l’art gothique. «On avait déjà vécu ça avec Notre-Dame de Paris, on a rassemblé les jeunes et on s’est éloignées pour échapper aux fumées de plomb», explique Hélène, touchée qu’un édifice historique soit si vulnérable.
L’origine serait accidentelle
De l’autre côté de la place, Olivier, serveur à la brasserie AL’1, comprend vite que l’arrivée des pompiers n’a rien d’un entraînement. «Depuis l’incendie de Notre-Dame de Paris, ils la surveillent comme le lait sur le feu et font souvent des exercices. Il y a deux mois, ils sont intervenus car une femme avait vu un reflet dans la flèche. Mais là, des dizaines de camions de pompiers, des policiers, ont débarqué. Ils ont bouclé la place et ensuite j’ai vu les flammes», explique le professionnel qui taille souvent la bavette avec l’architecte des bâtiments de France chargé du chantier.
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La cathédrale, construite à partir du XIe siècle, a connu de nombreux revers, saccage par les huguenots, incendies et tempêtes ont percé toiture et rosace, ont fait tomber un clocheton en plein chœur (c’était Lothar, en 1999). Depuis 2016, la flèche était en réfection. Les travaux devaient se terminer en 2025. L’origine du feu, qui a pris sous des échafaudages à plus de 100 mètres de hauteur, serait accidentelle : en début d’après midi, seul un grand trou noir dans la bâche de protection en plastique et la présence de nombreux pompiers rappelait l’incident. Parce qu’il a été rapidement circonscrit et parce que la structure touchée était faite de métal, la bâtisse n’a pas été trop impactée.
Atmosphère politique étouffante
A l’AFP, le directeur départemental du Sdis a précisé que le feu ne serait déclaré éteint que lorsque les pompiers auront fait «la reconnaissance de tous les points chauds». A part trois ouvriers qui travaillaient sur la flèche et «ont inhalé légèrement des fumées», selon le Sdis, l’incident n’a fait aucun blessé. Un inventaire des mobiliers et des œuvres d’art a été établi pour vérifier que l’eau utilisée par les pompiers n’ait rien abîmé.
Deux mois après l’incendie volontaire qui a touché la synagogue de Rouen, à quelques mètres de là, et cinq ans après l’incendie de l’usine Lubrizol, une certaine nervosité était palpable dans les rues animées de celle que l’on surnomme «la ville aux 100 clochers». Dans une atmosphère politique étouffante, certains n’ont pas hésité à utiliser l’incendie pour servir des objectifs identitaires, à l’instar de Florian Philippot, qui a exprimé, sur X, sa «colère devant la multiplication délirante du nombre d’incendies d’églises et cathédrales en France». Selon l’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun, qui a fait part de son «émotion», le bâtiment religieux pourrait rouvrir dès vendredi 12 juillet.