La mort de Benoît XVI crée une situation politico-religieuse assez délicate à gérer pour son successeur, le pape François, et pour l’Eglise catholique. Les funérailles du théologien allemand, décédé ce samedi à l’âge de 95 ans au monastère Mater Ecclesiae, dans l’enceinte du Vatican où il vivait retiré depuis presque dix ans, auront lieu le jeudi 5 janvier. Surprenant le monde entier, Benoît XVI avait renoncé à sa charge en février 2013, invoquant des raisons de santé. Sa décision historique - le dernier pape à avoir démissionné était Célestin V au XIIIe siècle -, avait entraîné la tenue d’un conclave qui avait élu, le 13 mars 2013, le premier souverain pontife latino-américain et jésuite de l’histoire de la papauté. L’apparition ce soir-là, au balcon de la basilique Saint-Pierre, à Rome, de l’archevêque de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio, avait été la deuxième grande surprise de cette séquence inédite dans l’histoire du catholicisme.
Institution très à cheval sur ses rites, l’Eglise catholique a codifié de façon rigoureuse les obsèques d’un pape en fonction ; ce qui n’est pas le cas pour Benoît XVI. Il est toutefois vraisemblable que Joseph Ratzinger, très sourcilleux sur la liturgie et aimant les messes en latin, ait laissé des instructions en ce qui concerne la cérémonie. A partir de lundi, la dépouille du pape émérite sera transférée à la basilique Saint-Pierre afin que les fidèles puissent lui rendre hommage. En 2005, la mort de Jean Paul II avait suscité une ferveur populaire jamais vue. Des centaines de milliers de fidèles avaient attendu longuement, parfois plus de vingt-quatre heures, pour se recueillir quelques instants devant le pape décédé. Plus d’un million de personnes avaient suivi à Rome, le 8 avril 2005, les funérailles, célébrées alors par le futur Benoît XVI. La mort du théologien allemand, beaucoup moins populaire et charismatique que le pape polonais, ne devrait pas susciter un tel engouement.
Messages rassurants
Il n’en reste pas moins que la séquence qui s’ouvre est assez délicate à gérer pour l’actuel pape François. Ses plus farouches opposants tels que les cardinaux Robert Sarah ou Gerhard Ludwig Müller ont eu régulièrement la tentation d’opposer les deux papes afin d’affaiblir l’autorité du jésuite argentin. De façon inhabituelle, le pape François a annoncé lui-même, mercredi dernier lors de l’audience générale hebdomadaire au Vatican, l’aggravation de l’état de santé de son prédécesseur. Il avait demandé aux fidèles catholiques de prier spécialement pour Benoît XVI car il était «très gravement malade». Une manière pour son successeur de faire savoir à ses opposants et aux proches du pape émérite qu’il contrôlait la situation. Dans les jours qui ont suivi cette annonce, l’entourage de Benoît XVI n’a cessé, lui, d’envoyer des messages rassurants.
Les funérailles du théologien allemand seront célébrées par François qui prononcera notamment l’homélie, l’occasion de dresser le portrait de son prédécesseur et d’esquisser un bilan de son pontificat. Bon gré, mal gré, les deux papes ont dû cohabiter pendant dix ans, François se montrant, de façon constante, respectueux et chaleureux à l‘égard de Benoît XVI.
François affaibli par des douleurs récurrentes
Pourtant, de profondes divergences existaient entre eux, notamment sur la liturgie. Récemment, le pape François a tenté de restreindre l’usage de la messe en latin que Benoît XVI avait, lui, libéralisé. Les relations avec l’islam constituaient également un point important de divergence entre les deux souverains pontifes. François entretenait des liens réguliers avec plusieurs responsables musulmans, notamment le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayeb, au Caire.
Affaibli par les douleurs récurrentes au genou droit et une délicate opération à l’été 2021, le pape actuel qui se déplace désormais sur un fauteuil roulant, risque de voir monter de plus en plus fortement les pressions pour qu’il démissionne. Dans une interview au quotidien espagnol ABC, publié le 17 décembre, François a déjà mis les pendules à l’heure sur ce point : «On gouverne avec la tête, non pas avec le genou.»