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La probable venue du pape François à Ajaccio, l’imbroglio corse qui fâche

Pape Léon XIVdossier
La visite historique, en attente de confirmation officielle par le Vatican, interviendrait une semaine après les festivités organisées pour la réouverture officielle de Notre-Dame, auxquelles le jésuite argentin ne compte pas participer. De quoi provoquer la consternation chez les évêques, réunis actuellement à Lourdes.
Le pape François lors de l’audience générale hebdomadaire sur la place Saint-Pierre au Vatican, le 6 novembre. (Alessia Giuliani/Hans Lucas. AFP)
publié le 8 novembre 2024 à 16h05

Par nature, les évêques français n’aiment guère l’esclandre. Mais, réunis à Lourdes jusqu’à dimanche 10 novembre pour leur assemblée plénière d’automne, ils ont marqué, ces jours-ci, une certaine exaspération face au projet du pape François de se rendre, le 15 décembre, en Corse. «Nous avons été sciés. Personne n’était au courant», lâche l’un d’eux, sous couvert d’anonymat. Cette visite historique – jamais aucun pape ne s’est rendu sur l’île – n’a pas encore été confirmée officiellement par le Vatican mais pourrait l’être dès la fin de la semaine prochaine. «Ce voyage devrait se faire, à moins qu’il n’y ait trop de polémiques», confirme-t-on dans l’entourage du cardinal François-Xavier Bustillo, l’évêque d’Ajaccio.

Le prélat, qui a rencontré le pape en début de semaine, a dessiné, jeudi matin, les contours du séjour devant l’assemblée plénière des évêques. D’après les informations de Libération, le déplacement de François se ferait dans la journée du 15 décembre, un aller-retour à Ajaccio, Rome étant à une quarantaine de minutes d’avion de la Corse. Officiellement, le pape François viendrait clore un colloque sur la piété populaire en Méditerranée, organisé par le diocèse.

Maître de son agenda

Ce qui crée la consternation est la date choisie pour ce voyage. De fait, celui-ci intervient une semaine, jour pour jour, après les festivités qui marqueront la réouverture officielle de Notre-Dame, cinq ans et demi après l’incendie qui a ravagé sa flèche, sa charpente médiévale et ses toitures. Chacun de leur côté, l’Elysée et l’archidiocèse de Paris ont été insistants auprès de François, tentant de le convaincre d’assister à ces festivités qui prendront, les 7 et 8 décembre, une dimension internationale. Sans succès. «Je ne viendrai pas à Paris, je ne viendrai pas à Paris», avait répondu le pape, un peu exaspéré, dans l’avion qui la ramenait à Rome, le 13 septembre, après un long périple en Asie et en Océanie.

Le voyage en Corse du pape est-il un affront pour le président de la République, la France, y compris l’épiscopat français ? Ou une simple maladresse ? «Mgr Laurent Ulrich avale beaucoup de couleuvres en ce moment», commente, lucide, un évêque français. De fait, l’archevêque de Paris a été obligé de prendre acte que François préfère se rendre en Corse plutôt que de participer à la réouverture officielle de Notre-Dame. Le cardinal Bustillo, lui, ne s’exprime pas publiquement tant que le déplacement pontifical n’est pas confirmé. A Lourdes, selon plusieurs sources, il a cependant assuré à ses collègues évêques que la date du 15 décembre était «la seule disponible» dans l’agenda du pape en cette fin d’année.

«Il ne faut pas mettre en opposition le déplacement du pape en Corse avec la réouverture de Notre-Dame», tente de désamorcer l’entourage du cardinal Bustillo. Quoi qu’il en soit, François est bien le maître de son agenda. D’autant que, selon les informations de Libération, le projet d’une visite sur l’île sur le thème de la piété populaire est en réflexion depuis le printemps. En mars, le substitut Edgar Peña Parra, le numéro trois du Vatican, l’un des plus proches collaborateurs du pape et qui a coécrit un livre avec le cardinal Bustillo, a séjourné quelques jours à Ajaccio, à l’occasion de la procession de la Madonuccia, une manifestation très populaire dans la cité de Napoléon. Selon plusieurs sources, celui-ci aurait été très impressionné par l’implication de la population.

«Au milieu d’un peuple»

Au fil des mois, le projet d’un déplacement du pape en Corse s’est peu à peu concrétisé. La gendarmerie vaticane qui assure la sécurité du pape s’est rendue sur place, cet été, pour vérifier les conditions dans lesquelles pourrait se faire ce bref séjour du jésuite argentin. «A Ajaccio, le pape enverra un message fort. Il sera au milieu d’un peuple», dit-on dans l’entourage du cardinal Bustillo. Une façon de remettre des pendules à l’heure ? «Les festivités officielles à Paris pour la réouverture de Notre-Dame constituent tout ce que déteste le pape François en termes de mondanité, fait remarquer un expert de son pontificat. Son déplacement en Corse correspond davantage à sa spiritualité. Il est attaché à la promotion des périphéries, à la valorisation de la piété populaire et du peuple.»

A Lourdes, le cardinal Bustillo a peiné à convaincre les autres évêques français de la pertinence de ce voyage, soupçonné de faire cavalier seul. Sa nomination, l’an dernier, comme cardinal, avait déjà largement pris de court l’épiscopat. Pour le moment, l’évêque d’Ajaccio bénéficie d’une rare popularité pour un prélat. Sur l’esplanade des parvis à Lourdes, nombre de pèlerins réclament des selfies avec lui.