Baisers imposés, fellations forcées, propos à caractère sexuel : sept semaines après l’onde de choc provoquée par de premières révélations, l’Abbé Pierre est visé par une nouvelle salve d’accusations de violences sexuelles dans un rapport rendu public ce vendredi 6 septembre. A la suite de ces nouveaux témoignages, dont certains portent sur des faits pouvant s’apparenter à des viols ou concernent des mineures, la Fondation Abbé-Pierre a annoncé sa décision de changer de nom. Emmaüs a en outre fait savoir que le lieu de mémoire dédié au prêtre situé à Esteville (Seine-Maritime) serait définitivement fermé.
«A ce jour, il est possible d’identifier au moins 17 personnes supplémentaires ayant subi des violences» de la part de l’Abbé Pierre, décédé en 2007, peut-on lire dans le rapport du cabinet spécialisé Egaé, chargé en juillet par les deux organisations de recueillir de potentiels nouveaux témoignages. Ces derniers font dans leur grande majorité état de contacts «non sollicités sur les seins», de «baisers forcés», mais également de «contacts sexuels répétés sur une personne vulnérable», d’«actes répétés de pénétration sexuelle» ou encore de «contacts sexuels sur une enfant». Les faits dénoncés remontent à une période des années 50 aux années 2000, la plupart du temps en France mais également aux Etats-Unis, au Maroc ou encore en Suisse. Les personnes qui ont témoigné sont ou ont été bénévoles d’Emmaüs, salariées de lieux dans lesquels l’Abbé Pierre a séjourné, membres de familles proches du prêtre ou encore des personnes rencontrées lors d’événements publics, précise Egaé.
Parmi les témoignages recueillis figure celui de Marie, fille d’une femme «dépendante de lui financièrement et en très grande détresse», qui dit avoir été victime de l’abbé Pierre en 1989-1990. Dans une lettre adressée à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) en mars 2019 et dont Libération a eu connaissance en juillet, cette femme, aujourd’hui décédée, décrivait avoir «dû assister à des masturbations de l’Abbé Pierre et avoir été forcée à réaliser des fellations dans un appartement parisien» en 1989. L’abbé Pierre est «passé rapidement de l’aide charitable à des faits d’abus sexuels», y écrivait-elle.
Une autre femme témoigne avoir subi, en 1974 et 1975 en Ile-de-France, des «baisers forcés» et «des contacts» non sollicités alors qu’elle avait 8 à 9 ans. Selon un autre témoignage, l’abbé Pierre aurait également imposé, en 1951, des contacts physiques non sollicités lorsqu’il était député à l’Assemblée nationale. «Certaines parlaient pour la première fois de ce qui leur était arrivé et revivaient les faits en même temps qu’elles les racontaient», a déclaré à l’AFP Caroline De Haas, directrice associée d’Egaé.
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Création d’une commission indépendante
Dans un communiqué commun publié vendredi, la Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International réaffirment leur «soutien total aux victimes», saluent «leur courage» et assurent être «à leurs côtés». Outre le changement de nom de la Fondation Abbé-Pierre et la fermeture définitive du lieu de mémoire d’Esteville, la mention «fondateur Abbé Pierre» du logo d’Emmaüs France pourrait être prochainement supprimée. Une commission indépendante chargée «d’expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l’Abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de 50 ans» va également être créée.
.@EmmausInter_fr, @emmaus_france et la @Fondation_AP rendent publics de nouveaux faits graves commis par l’abbé Pierre et annoncent plusieurs mesures relatives à la place de l’abbé Pierre au sein de leurs organisations.
— FondationAbbéPierre (@Fondation_AP) September 6, 2024
Pour en savoir plus : https://t.co/SvARIde1JQ pic.twitter.com/IM8C5DwHZ2
L’Abbé Pierre «a porté une voix, un élan, qui ont entraîné des vagues de solidarité, l’importance de son action constitue un fait historique» mais «nous sommes désormais confrontés à la douleur insupportable qu’il a fait subir», écrivent les organisations. «Nos décisions sont donc impératives par respect pour les victimes qui ont pris la parole mais aussi pour les bénévoles, les salariés, les compagnes et les compagnons du Mouvement, les soutiens et les donateurs, dont l’action au quotidien serait entachée d’un malaise profond si rien ne changeait», ajoutent-elles. Mis en place en juillet, le dispositif d’écoute et d’accompagnement restera quant à lui «ouvert et disponible jusqu’à la fin de l’année».