Cela ressemble singulièrement à un tour de vis supplémentaire à l’égard des associations musulmanes. Reprise en main par le président de la République, Emmanuel Macron, et annoncée à grand fracas, la lutte contre l’islamisme et l’entrisme était au menu d’un conseil de défense et de sécurité nationale qui s’est tenu, lundi 7 juillet, à l’Elysée, en présence de poids lourds du gouvernement tels que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, celui de la Justice, Gérald Darmanin, et celle de l’Education nationale, Elisabeth Borne. Emmanuel Macron a fait son effet, annonçant à une poignée de journalistes une nouvelle loi. «J’ai demandé au gouvernement qu’un texte soit prêt d’ici la fin de l’été et applicable en fin d’année», a-t-il précisé.
Très techniques, les mesures annoncées révèlent malgré tout la volonté d’une surveillance accrue des associations, en particulier musulmanes. «Beaucoup de mécanismes qui s’appliquaient au terrorisme vont entrer dans le droit commun», pointe l’avocat Hosni Maati. Les décisions actées par le conseil de défense permettent ainsi d’étendre le pouvoir de dissolution administrative aux fonds de dotation ou «encore d’élargir, remarque Me Maati, le gel des avoirs au-delà du champ antiterroriste».
Un contrôle idéologique accru
Parmi les mesures annoncées, l’une est particulièrement significative. En cas de dissolution d’une association, ses biens seront dévolus autoritairement par l’Etat à des tiers, ne laissant plus la possibilité à l’organe dissous de le faire selon ses propres statuts. D’après des experts, il s’agit là de tirer les leçons des dissolutions, en 2020, de l’ONG salafiste Baraka City et du Collectif contre l’islamophobie en France, qui avaient pu organiser le transfert de leurs biens.
Instauré par la loi sur le séparatisme, le contrat d’engagement républicain auquel sont soumises les associations va, lui aussi, être durci. «En 2024, il y a eu une seule poursuite contre une association pour manquement à ce contrat. C’est trop lourd et trop long», a commenté le chef de l’Etat, à l’issue du conseil de défense. Pour le moment, nul ne connaît les contours que cela devrait prendre. Toutefois, cela induit un contrôle idéologique accru des associations musulmanes. «Ce durcissement réglementaire et politique engage une transformation majeure de la relation entre l’Etat républicain et une partie de la société française, en particulier les citoyens, associations ou institutions en lien avec l’islam», commente Me Maati.
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«L’Etat veut signifier aux associations musulmanes qu’il les scrute», estime, de son côté, le politologue Haoues Seniguer, spécialiste de l’islamisme. Sur le terrain, l’ambiance était pourtant déjà singulièrement tendue. Nombre de responsables musulmans s’alarment d’un climat de plus en pus délétère, devenu anxiogène après les drames à la Grand-Combe (Gard) et à Puget-sur-Argens (Var) lors desquels Aboubakar Cissé et Hichem Miraoui ont été tués. Pour désamorcer d’éventuelles tensions face à la loi qui s’annonce, le président de la République a annoncé qu’il recevrait, à l’automne, les dirigeants musulmans du Forum de l’islam de France. «Je ne crois pas que cela sera suffisant pour lever les inquiétudes, estime Haoues Seniguer. Cela donne le sentiment qu’on sanctionne et qu’après on discute.»