Les semaines se suivent et les polémiques se ressemblent pour la préfecture de police de Paris. Dans un communiqué publié mardi soir, l’institution dirigée par Didier Lallement explique avoir pris un arrêté pour interdire «la manifestation revendicative déclarée par une association dénommée “les députés jouent au football avec les Hijabeuses”». Ce collectif de jeunes sportives défendant le port du voile avait prévu de jouer un match contre des élus, ce mercredi de 16 h 30 à 18 h 30, sur l’esplanade des Invalides dans le VIIe arrondissement de Paris.
Tribune
Pour motiver cette interdiction, la préfecture de police de Paris met en avant les «risques de troubles à l’ordre public». Ce match pourrait en effet, selon la «PP», attirer «outre les personnes qui la soutiennent, des personnes hostiles à la cause défendue et susceptibles d’en découdre avec les premiers». De quoi menacer «aussi bien pour la sécurité des manifestants eux-mêmes que pour le maintien de l’ordre public», d’après le communiqué.
L’institution de Lallement rappelle en effet que «le droit au port du voile islamique dit hijab lors des compétitions de football», qui est une «pratique interdite par le règlement de la Fédération française de football», suscite «un débat vif et controversé entre partisans et opposants à cette demande, d’autant plus fortement exacerbée dans la période préélectorale actuelle et dans le contexte international».
Dirigée par Didier Lallement
Les jeunes femmes avaient donné rendez-vous pour des «matchs de foot avec les Hijabeuses, les allié·e·s et les élu·e·s + prises de parole», avaient-elles annoncé. L’initiative de ce collectif créé en mai 2020, et qui se dresse notamment contre la Fédération française de football (FFF) hostile à leur port du voile en compétition, n’est pas une première. Elles s’étaient déjà invitées brièvement le 26 janvier dans le jardin du Luxembourg, au pied du Sénat, pour échanger quelques ballons avec une banderole «Le football pour toutes», avant d’être invitées à partir par les gendarmes.
On y sera.En écharpe et crampons. Je me souviens mieux en ce moment d’où se trouve mon écharpe (d’élue) que mes crampons, ce qui n’est pas un bon signe d’équilibre, mais je serai solide sur le terrain! https://t.co/Nz0EwH5hhU
— Alice Coffin (@alicecoffin) February 6, 2022
La date du match retour qui était prévu ce mercredi coïncide avec le retour au Palais Bourbon d’une proposition de loi LREM sur le sport, autour de laquelle députés et sénateurs s’opposent sur la question de l’interdiction du port du voile en compétition.
Les sénateurs avaient voté le 19 janvier un amendement interdisant le port «de signes religieux ostensibles» lors d’une compétition sportive, aussitôt gommé par les députés. Les deux chambres n’ayant pu s’entendre sur un texte commun, une nouvelle lecture est prévue ce mercredi après-midi à l’Assemblée. Les débats doivent ensuite repasser par le Sénat le 16 février avant que les députés ne donnent leur dernier mot.
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A l’annonce de la décision de la préfecture de police de Paris, les Hijabeuses ont réagi sur Twitter. Dénonçant un argumentaire fondé sur des «préjugés racistes» et «une confusion politique délibérément entretenue», elles écrivent : «Nous avons évidemment saisi le tribunal pour contester cette décision arbitraire, injuste et complètement disproportionnée.»
Une audience en urgence est prévue ce mercredi matin au sujet de l’arrêté d’interdiction pris par l’institution de Didier Lallement. «De notre côté, nous jouerons quoi qu’il arrive», annonce le collectif de jeunes sportives.