Ceux qui n’apprécient pas, telle Marion Maréchal, que le pape fasse de la politique auront encore des raisons de grimper aux rideaux. Dans un texte publié ce mercredi 4 octobre (une exhortation apostolique dans le jargon de l’Eglise catholique), le jésuite argentin plaide, à quelques semaines de l’ouverture de la COP 28 de Dubaï, pour «une accélération marquée de la transition énergétique, avec des engagements effectifs et susceptibles d’un suivi permanent.» Inquiet de l’accélération du changement climatique, en particulier des effets qu’il a sur les plus pauvres, le chef de l’Eglise catholique interpelle fortement, dans un texte très politique, la communauté internationale. «Nous devons cesser de sembler être conscients du problème mais n’ayant pas, dans le même temps, le courage de faire des changements substantiels», écrit-il dans cette exhortation apostolique intitulée Laudate Deum (Louez Dieu).
Annoncé cet été, ce texte pontifical est une suite à l’encyclique Laudato si, publiée en 2015, la première consacrée à l’écologie par un pape. François a estimé nécessaire de compléter l’analyse et de tirer le bilan, huit ans après la parution de ce texte historique qui a profondément marqué la jeune génération catholique, très investie dans les questions de défense de l’environnement. Selon plusieurs experts, Laudato si avait aussi pesé sur les discussions de la COP 21, qui avait eu lieu à Paris quelques mois après sa parution.
Une dénonciation du climatoscepticisme
Pour le pape, qui dénonce une forme d’inertie des gouvernants, le constat est inquiétant. «Le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture. Quoi qu’il en soit de cette éventualité, il ne fait aucun doute que l’impact du changement climatique sera de plus en plus préjudiciable à la vie et aux familles de nombreuses personnes», décrit François, concluant que la «situation est en train de devenir encore plus urgente».
Le jésuite argentin dénonce vigoureusement les «climatosceptiques», regrettant «certaines opinions méprisantes et déraisonnables que je rencontre même au sein de l’Eglise catholique». Pour le pape, la responsabilité est globale «face à l’héritage que nous laisserons de notre passage dans ce monde». D’un point de vue philosophique et théologique, François déplore une volonté de toute puissance de l’homme, ce qu’il appelle «le paradigme technocratique» qui se trouve, selon lui, «derrière le processus actuel de dégradation de l’environnement».
Sans le formuler explicitement, le pape s’oppose à une croissance technique continue qui serait, pour certains, la meilleure manière de répondre à la crise climatique. «Les ressources naturelles à la technologie, comme le lithium, le silicium et bien d’autres, ne sont certes pas illimitées, mais le plus grand problème est l’idéologie qui sous-tend une obsession : accroître au-delà de l’imaginable le pouvoir de l’homme, face auquel la réalité non humaine est une simple ressource à son service», estime le pape.
Un positionnement qui fâche les droites religieuses
Pour François, l’homme n’est pas le maître de la nature, ni de la création ; ce qui constitue, comme on l’a vu ces dernières décennies, une inflexion de la théologie catholique classique. Ce positionnement pontifical fâche les droites religieuses américaine et européenne. Parfois, le pape argentin est même accusé d’une forme de panthéisme. «Il [l’homme] doit être considéré comme faisant partie de la nature. La vie humaine, l’intelligence et la liberté sont insérées dans la nature qui enrichit notre planète, elles font partie de ces forces internes», écrit dans le texte publié mercredi le chef de l’Eglise catholique.
Reprenant l’un des axiomes de sa pensée géopolitique, le pape François estime qu’un renouveau du multilatéralisme s’impose pour faire face réellement à la crise climatique. Il regrette que, lors de la crise financière de 2007-2008 et de celle du Covid, les opportunités n’aient pas été saisies pour des «changements salutaires». «Le monde devient tellement multipolaire, et en même temps tellement complexe, qu’un cadre différent pour une coopération efficace est nécessaire», plaide le pape. Ce sont des mécanismes mondiaux, selon le jésuite argentin, qui permettront de faire face aux «défis environnementaux, sanitaires, culturels et sociaux, en particulier pour le respect des droits de l’homme les plus élémentaires, des droits sociaux et la protection de la Maison commune.»