Il semblerait que la totalité de la hiérarchie catholique était au courant des violences sexuelles perpétrées par l’abbé Pierre, depuis la France jusqu’à Rome. Le pape François a reconnu ce vendredi 13 septembre, au retour de sa tournée en Asie, que le Vatican était au courant depuis des années des agissements reprochés à Henri Grouès. Il fut «un terrible pécheur», qui a commis des faits «démoniaques», a admis le pape. Ce dernier a assuré que le pontificat a «certainement» appris les accusations d’agressions sexuelles «après la mort» du prêtre, en 2007. «Mais avant, je ne sais pas», a aussi ajouté le pape désigné en 2013, avant de conclure : «Je ne sais pas à partir de quand le Vatican savait parce que je n’étais pas là et qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de lancer une recherche à ce sujet.»
«On ne doit pas dire : couvrons, couvrons pour que ça ne se voie pas ! Les péchés publics sont publics. Et ils doivent être condamnés. L’abbé Pierre est un homme qui a fait tant de bien, mais c’est aussi un pécheur», a ajouté le pape François devant des journalistes. «On doit être clairs sur ces choses, ne pas dissimuler, le travail contre les agressions est une chose que nous devons tous faire. […] L’abus est, à mes yeux, une chose démoniaque !» «Car tout type d’abus détruit la dignité de la personne […] Je suis heureux quand ces cas sortent [sont rendus publics]», a encore poursuivi le chef de l’Eglise catholique. Sans dire pourquoi lui-même n’avait pas pris les devants en communiquant sur le sujet.
A lire aussi
Plus tôt dans la journée, RTL avait révélé que plusieurs lettres de hauts dignitaires de l’Eglise en France, se trouvant dans les archives de l’Eglise mises depuis jeudi à disposition par la conférence des évêques de France, semblent attester qu’ils étaient eux aussi au courant des agissements de l’abbé Pierre.
Après de premières révélations en juillet, puis le 6 septembre, celui qui a longtemps été l’une des personnalités préférées des Français et figure emblématique de la lutte sociale, est désormais accusé par un total de 24 femmes d’avoir commis des violences sexuelles. Les témoignages de victimes évoquent des baisers imposés ou encore des propos à caractère sexuel. Certains portent aussi sur des faits pouvant s’apparenter à des viols, tels des fellations forcées, ou concernant des mineures.
«Comprendre et expliquer les dysfonctionnements»
En réaction, la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), Véronique Margron, a plaidé pour l’instauration d’«un processus de justice, de reconnaissance, de réparation», à l’image de ce qui a été fait en France après le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase). Emmaüs a déjà annoncé de son côté la mise en place d’une commission d’experts indépendants pour «comprendre et expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l’abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de cinquante ans». Emmaüs International réfléchit pour sa part à une forme d’indemnisation des victimes.
Pour sa part, la Fondation Abbé-Pierre a annoncé la semaine dernière sa décision de changer de nom et de fermer définitivement le lieu de mémoire situé à Esteville (Seine-Maritime).