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Le père Matthieu, star catho de TikTok et bête noire des milieux tradis, retourne à ses ouailles

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Le curé de l’Yonne a annoncé mettre fin à sa carrière d’influenceur. Selon nos informations, il serait accusé par sa hiérarchie d’une violation indirecte du secret de la confession dans son ouvrage paru en septembre.
L'ex-Parisien, devenu prêtre en 2021, Matthieu Jasseron, ici le 24 février 2023 à Joigny (Yonne) durant le tournage d'une vidéo, compte 1,2 million d'abonnés sur TikTok. (Arnaud Finistre/AFP)
publié le 14 décembre 2023 à 17h09

Pour son million de fans, ce n’est pas vraiment un cadeau de Noël. Le ton est enjoué, dynamique, un brin forcé peut-être. Fixant la caméra de ses yeux bleus quasi translucides, la star catho de TikTok, Matthieu Jasseron, curé de Joigny (Yonne), a annoncé, dans une courte vidéo d’un peu plus d’une minute, postée mercredi 13 décembre, mettre fin à sa carrière d’influenceur sur les réseaux sociaux. Visiblement ému, le prêtre égrène les raisons, tel un chapelet : «Ce n’est pas ce à quoi je suis appelé», «cette position médiatique flatte parfois en moi un orgueil qui n’est pas toujours très ajusté», cela «révèle peut-être une dimension gourou dont il faudrait parfois se méfier». Pour «s’endormir chaque soir le cœur en paix» et le «sourire aux lèvres», le père retourne donc à ses ouailles et à son métier de base, curé de paroisse.

A Libération, Matthieu Jasseron confirme, au téléphone, presque mot pour mot, cet exercice public d’humilité. Sa décision d’abandonner les réseaux sociaux, il raconte l’avoir récemment mûrie au cours d’une retraite spirituelle dans un monastère bourguignon. «Ce n’est pas mon rôle de faire tout cela», plaide le jeune prêtre de 39 ans au parcours atypique et au 1,2 million d’abonnés sur TikTok. «Je veux donner un signe aux jeunes qui rêvent de carrières sur les réseaux sociaux, leur dire aussi simplement que l’on peut tout arrêter», insiste-t-il avec force.

Bobine de gendre idéal

Le curé de Joigny redoute manifestement les mauvaises interprétations que l’on pourrait faire de sa décision qu’il clame avoir pris librement et sans pression. Preuve de sa bonne foi et de son obéissance tout ecclésiastique, lors de sa conversation avec Libération, il remercie son évêque, Hervé Giraud, celui de Sens-Auxerre, lui-même très investi sur X (ex-Twitter). «Mathieu est un vrai spirituel», plaide, en sa faveur, un prêtre d’un autre diocèse, vieux routier de l’Eglise catholique qui l’a discrètement accompagné ces derniers mois.

Même avec une bobine de gendre idéal, la vie d’influenceur catholique n’est pas un long fleuve tranquille. Surtout dans le cas de Matthieu Jasseron. Le prêtre qui rentre désormais dans le rang était une sorte d’électron libre de l’Eglise catholique, petit génie de la communication, sollicité de tous côtés pour, par exemple, aider les curés à mieux formater leurs homélies. L’ex-Parisien, ancien conseiller en ingénierie fiscale aux confortables revenus, est ce que les milieux cathos appellent une vocation tardive, devenu prêtre en 2019 après avoir roulé sa bosse ailleurs.

Polémique en 2021

En choisissant l’Eglise catholique, Jasseron n’avait pas forcément les bons codes. Pendant les trois ans de sa présence sur les réseaux sociaux, le missionnaire 2.0 a été joyeusement transgressif. En août 2021, il provoque la polémique en affirmant que «l’homosexualité n’est pas un péché». En réponse, il se prend dans la figure un violent communiqué de l’épiscopat, qui «désapprouve certaines de ces vidéos qui dénaturent le message de l’Evangile». L’accusation d’hérésie n’est pas loin ! Le curé de TikTok devient la bête noire des milieux tradis, habitués des pressions sur les évêques.

Dans le diocèse de Sens-Auxerre, d’après les informations de Libération émanant de plusieurs sources de l’Eglise catholique, les relations entre l’évêque Giraud et Matthieu Jasseron ne sont pas empreintes de sérénité. Ainsi le curé de Joigny (qui n’évoque pas, lui, ces difficultés) est sous le coup d’une accusation de violation indirecte du secret de la confession depuis la publication, en septembre, de son livre les Histoires de cœur d’un jeune curé (Flammarion). «Afin de préserver l’intimité et respecter la vie privée de tous ceux qui m’ont inspiré, les noms, personnages, caractères et certains aspects des anecdotes narrées ont été délibérément modifiés», avait-il pourtant pris garde de spécifier.

Mauvais karma pour l’ex-curé de TikTok ? Ce jeudi 14 décembre dans la matinée, comme un malheur n’arrive jamais seul, une partie du plafond de sa sacristie s’est effondrée.