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Libération
Premier pas

L’Eglise italienne lance une enquête sur 20 ans de pédocriminalité en son sein

Pédocriminalité dans l'Eglisedossier
La conférence épiscopale italienne (CEI) et son nouveau président, le cardinal Matteo Zuppi, annoncent le lancement d’une étude sur les agressions sexuelles d’enfants et de personnes vulnérables au sein de l’institution ces 20 dernières années, sous la pression des associations qui continuent de réclamer une enquête indépendante.
Le cardinal Matteo Zuppi, le nouveau président de la conférence des évêques italiens, en conférence de presse, ce vendredi. (Alessandra Tarantino/AP)
publié le 27 mai 2022 à 17h20

«C’est notre devoir face à tant de souffrance». A peine nommé à la tête de la conférence épiscopale italienne (CEI), le cardinal Matteo Zuppi lance une étude sur les agressions sexuelles au sein de l’Eglise transalpine ces 20 dernières années. Nommé seulement ce mardi par le pape François, Matteo Zuppi, membre de la communauté catholique Sant’Egidio, décrit comme un progressiste favorable à l’accueil des migrants et des fidèles homosexuels au sein de l’Eglise, est particulièrement attendu sur la gestion des violences sexuelles dans l’Eglise italienne.

Dans un communiqué publié au terme de son assemblée générale à Rome, la CEI promet que cette «étude sera menée avec la collaboration d’instituts de recherche indépendants», afin de «parvenir à une connaissance plus approfondie et objective» des agressions présumées ou confirmées commises par des religieux en Italie entre 2000 et 2021.

Elle utilisera les données fournies par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l’institution du Vatican héritière de l’Inquisition romaine et chargée notamment des questions d’agressions sexuelles au sein de l’Eglise catholique. «Cela permettra d’améliorer les mesures de prévention et de lutte, ainsi que d’accompagner avec une meilleure connaissance les victimes et survivants», ajoute-t-elle. La CEI s’engage aussi à multiplier les centres d’écoute dans les diocèses - actuellement déployés sur environ 70 % du pays - et à effectuer un premier rapport national sur les cas signalés lors des deux dernières années.

Des associations déçues

Ces annonces ont déçu les associations de victimes. Francesco Zanardi, agressé par un prêtre lorsqu’il était adolescent et fondateur de la principale association de victimes, Réseau L’Abus (Rete L’Abuso, en italien), a jugé «discriminatoire» de n’étudier les cas qu’à partir de 2000, «ce qui exclut de nombreux cas, dont le mien», s’exprimant devant la presse. Francesco Zanardi déplore aussi le «problème de l’Etat» italien et «les failles» du système législatif, qui «n’arrive pas à intervenir», estimant que «chacun doit prendre sa part».

Le 16 mai, des associations, avocats, journalistes réunis dans le mouvement «ItalyChurchToo» («L’Eglise d’Italie Aussi») avaient publié une lettre ouverte réclamant une enquête indépendante «menée par des professionnels impartiaux et de haut niveau» dans un pays à majorité catholique et où l’Eglise conserve une grande influence.

Les églises catholiques d’autres pays ont aussi fait cette démarche. Après la décision du gouvernement socialiste d’ouvrir une enquête sur les actes de pédocriminalité au sein de l’Eglise espagnole, l’institution a annoncé un audit sur la question. En Allemagne, un rapport accablant sur la pédocriminalité au sein du diocèse de Munich a poussé le pape Benoit XVI à sortir de sa retraite pour prendre la parole. En France, le dispositif de réparations pour les victimes se met en place après le travail accompli par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).