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Lycée Averroès à Lille : la justice confirme l’arrêt des subventions, une «décision inacceptable» pour la direction

Le tribunal administratif a décidé ce lundi de confirmer la résiliation du contrat liant l’Etat au lycée musulman Averroès de Lille, qui a annoncé sa volonté de saisir le Conseil d’Etat.
Dans la cour du lycée Averroès en septembre. (Sameer Al-Doumy/AFP)
par Clémence de Blasi
publié le 12 février 2024 à 20h30
(mis à jour le 13 février 2024 à 17h19)

«En l’état du dossier, il n’y a pas lieu de maintenir le contrat d’association liant le lycée Averroès à l’Etat jusqu’à ce que la décision de résiliation de ce contrat prise par le préfet du Nord [le 7 décembre 2023, ndlr] soit examinée par les juges du fond.» Dans ses ordonnances, publiées ce lundi soir, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande en référé du lycée Averroès. L’établissement, qui dénonce notamment une forme de «deux poids deux mesures» avec le lycée catholique Stanislas à Paris, demandait la suspension de la décision du préfet du Nord, Georges-François Leclerc (il a depuis été nommé directeur de cabinet de Catherine Vautrin au ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités), de mettre fin à ses subventions publiques à compter de la rentrée scolaire 2024.

«Contrôle inopiné»

Pour justifier sa décision, le tribunal a considéré que l’association Averroès, qui gère l’établissement d’enseignement secondaire, «a manqué à deux titres à ses obligations». Le premier manquement concerne le centre de documentation et d’information (CDI) du lycée : alors que «les établissements d’enseignement privé sous contrat sont tenus d’accepter les contrôles des services de l’Education nationale», Averroès s’y serait soustrait «à deux reprises, en particulier en s’opposant sans motif suffisant à un contrôle inopiné du CDI» en juin 2022, soulignent les trois juges.

«Le tribunal n’a pas pris en compte la réaction immédiate de l’association, qui a alors remplacé le chef d’établissement ayant opposé ce refus, refus d’ailleurs expliqué par celui-ci en raison de son état de fatigue et du stress causé par une commission de sécurité intervenant au même moment», lui oppose l’un des avocats de l’association Averroès, Me Paul Jablonski. «Le CDI a en outre été visité à plusieurs reprises par les inspecteurs d’académie, y compris en 2023, avec des conclusions très positives tout comme en 2020, puisque les inspecteurs avaient pu constater la richesse et le pluralisme du fonds documentaire», continue le conseil. «Est-il normal de sanctionner tout l’établissement pour l’erreur d’un seul homme qui a été sanctionné immédiatement par l’association ?» s’interrogeait-il lundi soir, au cours d’une conférence de presse en visioconférence.

«Appréciations contraires»

Le second point de crispation concerne les cours d’éthique musulmane dispensés au lycée. Selon le tribunal administratif, il est «suffisamment établi que les cours d’éthique musulmane dispensés au lycée reposaient essentiellement sur une version des commentaires des Quarante Hadiths de l’imam An-Nawawi qui comporte des appréciations contraires aux valeurs de la République», en préconisant la peine de mort pour les apostats et «la supériorité des lois divines sur toute autre considération».

«Le refus du lycée de faire procéder à un contrôle de son fonds documentaire ne permet pas de démontrer que ces commentaires ne seraient pas, comme l’affirme le lycée, le support pédagogique utilisé par les élèves pour le cours d’éthique musulmane», observe le tribunal. Il considère ainsi que «le maintien de l’application du contrat d’association jusqu’à l’examen du recours au fond de l’association Averroès porterait une atteinte excessive à l’intérêt général». «Cette décision conforte le respect des principes de la République que les services de l’Etat défendent», s’est félicitée la préfecture des Hauts-de-France dans un communiqué envoyé lundi soir.

«Nous avons pourtant démontré que ce livre n’avait jamais été mis entre les mains des élèves, et que les passages en cause n’étaient bien évidemment jamais étudiés», assure Me Paul Jablonski. «Nous avons produit des attestations, des témoignages : de manière très surprenante le tribunal n’en tient pas compte, poursuit-il. Comment prouver qu’on n’a pas fait quelque chose ? C’est extrêmement difficile !»

«Il est évident que tout ce qui nous est reproché est une vaste plaisanterie, notamment sur la mixité», s’indigne le proviseur du groupe scolaire Averroès, Éric Dufour, pour qui cette décision du tribunal administratif «n’est qu’une étape». Il a admis que celle-ci allait «forcément jouer sur le moral des troupes, des enseignants, des élèves et de leurs parents», qui devront bientôt choisir ce qu’ils feront l’année prochaine.

«Il s’agit d’une décision inacceptable, qui balaie sans y répondre nos arguments pour adopter ceux de la préfecture», conclut l’avocat Paul Jablonski, qui annonce sa volonté de saisir le Conseil d’Etat dans les plus brefs délais : «Averroès est et restera un lycée républicain confessionnel d’excellence.»

Mis à jour à 21h02 avec les réactions de la préfecture, du proviseur du lycée et de Me Jablonski.

Mis à jour le 13 février à 17h19 avec ajout d’un extrait de l’ordonnance du tribunal sur les Quarante Hadiths de l’imam An-Nawawi.