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Pédocriminalité

Pour les victimes de violences sexuelles dans l’Eglise, les indemnisations arrivent au compte-goutte

Pédocriminalité dans l'Eglisedossier
Sur 1 004 dossiers reçus, environ 60 ont à ce jour abouti à des dédommagements, selon Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’une des deux commissions de réparations aux victimes d’abus sexuels.
Lors de l’assemblée plénière des évêques de France, les membres d'un collectif se sont réunis pour lire les témoignages de victimes d’actes sexuels dans l’Eglise catholique française, à Lourdes en novembre 2021. (Lilian Cazabet /Hans Lucas. AFP)
publié le 30 septembre 2022 à 17h59

Un an après la remise du rapport explosif de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), qui avait estimé à plus de 300 000 le nombre de victimes depuis les années 50, les demandes d’indemnisations avancent à très petits pas. Selon Marie Derain de Vaucresson, la présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), 60 dossiers ont à ce jour abouti, 45 feront l’objet d’indemnisations financières et 23 personnes ont d’ores et déjà été indemnisées. Depuis son lancement en février, l’Inirr a reçu 1 004 dossiers.

Les montants versés s’établissent, d’après l’instance, entre 8 000 et 60 000 euros – le maximum prévu. «Neuf personnes ont reçu 60 000 euros», a précisé, lors d’une conférence de presse à Paris ce vendredi, Marie Derain de Vaucresson. Parmi les personnes dont le dossier a abouti, 21 seront indemnisées entre 15 000 et 30 000 euros.

«Nous avons dû monter un dispositif de A à Z»

Après la publication du rapport de la Ciase, deux commissions ont été mises en place par les instances catholiques en France, à l’automne dernier, pour traiter les demandes d’indemnisations et de réparations des victimes : celle présidée par Marie Derain de Vaucresson, qui traite des victimes de prêtres dépendants des diocèses, et la Commission reconnaissance et réparation (CRR), dirigée par l’ancien magistrat Antoine Garapon, qui s’occupe des dossiers relevant des congrégations et ordres religieux tels que les jésuites, les Frères des écoles chrétiens, les Frères de Saint-Gabriel. La CRR affirme, de son côté, avoir fait aboutir 35 dossiers sur les 496 qu’elle a reçus à ce jour. Elle en a transmis 131 à l’Inirr, car ils relevaient de sa compétence.

Pour Marie Derain de Vaucresson, l’affaire est délicate à gérer. Le torchon brûle entre son instance et les collectifs de victime. Les reproches majeurs adressés à l’Inirr concernent principalement les grilles d’évaluation mises en place pour aboutir aux indemnisations. Afin d’évaluer la gravité des faits, ont été établis, par exemple, cinq degrés en ce qui concerne les viols, une approche qui a suscité une levée de boucliers.

L’autre critique porte sur les délais imposés par l’Inirr pour traiter les demandes. Sur le terrain, les victimes n’en finissent pas d’attendre. A l’instance, on explique qu’il faut six mois pour qu’une demande soit traitée. Selon les informations recueillies par Libération auprès de plusieurs victimes, les délais avoisineraient désormais quasiment une année.

«Nous avons récupéré les clés d’un local et ensuite nous avons dû monter un dispositif de A à Z», se défend Marie Derain de Vaucresson. Elle affirme avoir ajusté «sa façon de travailler», en ayant le souci d’une plus grande «proximité» et d’une «plus forte humanisation» de l’accompagnement. «Ça peut prendre du temps, mais c’est parce que la démarche est singulière», a-t-elle expliqué.

D’autres tempêtes

A plusieurs reprises, la présidente de l’Inirr a expliqué que la procédure mise en place s’inspirant des principes de la justice restaurative était «unique et inédite». La présidente insiste également sur le fait qu’elle a du mal à trouver les compétences requises pour étoffer ses équipes. Pour le moment, l’Inirr compte douze référents (parmi lesquelles cinq bénévoles), des personnes en charge des relations avec les victimes et qui les accompagnent afin d’aboutir à leur demande de réparations.

Déjà sous le feu des critiques, la présidente de l’Inirr devra sans doute affronter d’autres tempêtes. Pour la première fois, une douzaine de collectifs de victimes vont se retrouver, le 8 octobre à Paris, pour une journée de réflexions. Trois groupes de travail sont prévus au cours de cette rencontre dont l’un portera sur les indemnisations.

Ce vendredi, Marie Derain de Vaucresson a reçu, elle, un soutien de poids, celui de Jean-Marc Sauvé, qui a présidé la Ciase. «Les deux instances ont déjà fait un travail considérable […]. Je crois en leur sincérité et leur volonté d’avancer. J’ai totalement confiance en leur capacité à monter en puissance et à faire des recrutements», a-t-il déclaré, au sujet des commissions d’indemnisations, sur France Info. Jean-Marc Sauvé interviendra également, le 8 octobre, devant la quarantaine de personnes réunies à Paris.