Un combat perdu ? Au moins pour une ou deux décennies, si ce n’est davantage. Taraudant le catholicisme, l’ordination des femmes à la prêtrise est un vieux et persistant serpent de mer. Théologienne et journaliste vivant à Zurich, en Suisse, ressentant un appel à devenir prêtre depuis l’âge de ses 15ans, Jacqueline Straub ne se décourage pas pour autant. Ces dernières années, elle a écrit, insistante, de nombreuses lettres au pape François. Elle a souvent reçu des réponses polies. Mais qui ne laissent rien entrevoir d’une possible évolution.
Longs cheveux noirs qui descendent sur les épaules, regard doux scrutant impitoyablement le monde ultra-masculin du Vatican, Jacqueline Straub est l’une des héroïnes du documentaire Femmes prêtres, vocations interdites de Marie Mandy, un travail réparti sur plusieurs années. Et un voyage au long cours dans une internationale de la transgression, celle qui a fait franchir le pas à quelques centaines de femmes à travers le monde (le chiffre de 300 est le plus couramment admis) qui ont été ordonnées prêtres malgré l’interdiction formelle de l’Eglise catholique. Comme Christina Moreira en Espagne ou Myra Brown aux Etats-Unis.
Récit personnel et intime
«Je savais seulement que Dieu m’appelait et j’avais du mal à le croire», confie Myra Brown, à la tête de la paroisse dissidente Spiritus Christi à Rochester, dans l’Etat de New York. L’Afro-Américaine, très investie dans la lutte contre les discriminations raciales, retrace les dialogues intimes (et imaginés sans doute) avec son Dieu qui semblait lui faire une mauvaise blague : «Vous ne pouvez pas m’appeler, c’est impossible. Car je suis femme, car je suis catholique !» En fait, ces ferventes catholiques se battent souvent longtemps avec elles-mêmes avant de se résoudre à transgresser.
Reportage
Ce mouvement a été initié publiquement, en 2002, par l’ordination, au milieu du Danube, de six femmes par deux évêques non identifiés. Quatre ans plus tard, une ordination a lieu cette fois-ci en France, sur le Rhône. S’ensuivent des excommunications (le rejet de ces femmes par l’Eglise catholique), prononcées au Vatican. Le film de Marie Mandy touche juste dans le récit personnel et intime de ces femmes devenues prêtres, heurtant de plein fouet la citadelle patriarcale catholique.
Déterminée, Jacqueline Straub va, elle, interpeller des cardinaux, des poids lourds au sein du catholicisme, au cœur même de leur bastion à Rome. Ce qui donne lieu à des moments forts, presque inoubliables. L’Allemand Gerhard Müller, ex-préfet de la Doctrine de la foi, successeuse de l’Inquisition, la tacle sévèrement en lui disant que c’est une «erreur» de penser qu’elle puisse avoir la vocation. Le jésuite Michael Czerny, très proche du pape François, l’encourage, lui, fortement à poursuivre le journalisme car elle est, dit-il, «une merveilleuse journaliste». Seul le cardinal archevêque du Luxembourg, Jean-Claude Hollerich, lui aussi jésuite et lui aussi très proche du pape, laisse entrevoir des évolutions. A la question de savoir s’il pourrait y avoir des femmes prêtres, il répond : «Je peux l’imaginer.»