Menu
Libération

Un repentir toujours difficile pour l’Eglise

Violences sexuellesdossier
Réunis en assemblée plénière, les évêques français sont partagés sur la reconnaissance de la responsabilité collective de l’institution en matière d’agressions et crimes sexuels.
Les bâtiments de l'ancien petit séminaire, à Chavagne-en-Paillers, le 18 mars. Ils accueillent maintenant une école catholique traditionnaliste anglaise. (Théophile Trossat/Libération)
publié le 26 mars 2021 à 7h01

L’affaire faisait, jeudi, encore débat. Réunis en assemblée plénière depuis mardi, les évêques catholiques français (environ une centaine) se penchaient, une nouvelle fois, sur le dossier très délicat de la pédocriminalité dans l’Eglise. Ils devaient conclure les réflexions, entamées il y a deux ans et demi, par quatre groupes de travail portant sur la manière de faire mémoire des violences sexuelles commises dans les institutions catholiques, sur l’accompagnement des agresseurs, sur la prévention et sur un système de réparations financières à destination des victimes. Malgré les réunions qui se succèdent, des désaccords profonds subsistent entre les évêques, notamment sur la question très épineuse de la responsabilité collective de l’institution. Fin février, ils ont réfléchi, à huis clos, à cette notion mais rien n’a encore filtré sur les résultats de ce brainstorming théologique et philosophique.

«Assumer devant l’humanité»

Cependant, une partie non négligeable des évêques considère que les violences sexuelles commises au sein de l’Eglise catholique sont le fait de brebis égarées. Elles n’auraient pas, selon eux, de caractère systémique. Un point de désaccord irréconciliable avec les collectifs de victimes qui estiment, eux, que la hiérarchie catholique a globalement failli dans la gestion des affaires mettant en cause des prêtres et des religieux. Certains prélats, tels que l’évêque de Vendée, François Jacolin ou celui d’Orléans, Jacques Blaquart sont davantage en pointe dans la lutte contre les violences sexuelles et l’accueil des victimes. «Ce sont les rencontres avec ces personnes qui changent le regard», souligne François Jacolin.

Parmi les éléments en discussion, les prélats pourraient avaliser une déclaration solennelle reconnaissant officiellement la responsabilité de l’Eglise et formuler une demande de pardon. L’actuel président de la Conférence des évêques de France (CEF), Eric de Moulins-Beaufort, qui doit tenir une conférence de presse ce vendredi midi, y serait favorable. En tant que telle, ce serait une première en France. Un projet de texte circulait la semaine dernière. «L’Eglise veut assumer sa responsabilité devant l’humanité en demandant pardon pour ces crimes et les défaillances qui ont pu les accompagner», y lit-on, selon une version que Libération a pu consulter.

Un rapport à l’automne

La question des réparations financières suscite également d’intenses débats. Lors de leur assemblée plénière, les évêques devaient décider, pour avaliser leur dispositif, s’ils attendaient ou non les conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) qui doit remettre son rapport à l’automne. Jean-Marc Sauvé, qui préside les travaux de la Ciase, a estimé récemment qu’il y avait eu au moins 10 000 victimes d’abus sexuels dans les institutions catholiques depuis les années 50. Les collectifs de victimes plaident pour que l’Eglise attende les publications du rapport de la Ciase. D’ores et déjà, le diocèse de Lyon, suite à une décision de la justice canonique de mai 2020 (la justice interne de l’Eglise), a indemnisé pour un montant total de 169 500 euros, en faisant appel à des dons de fidèles, quatorze victimes de l’ex-prêtre Bernard Preynat, condamné à cinq ans de prison ferme.