Le tribunal correctionnel de Grasse a relaxé ce lundi 25 mars le groupe Orpea et deux autres prévenus pour la mort de trois pensionnaires d’un Ehpad en 2015 à Biot (Alpes-Maritimes), lors d’inondations, mais a condamné l’ex-maire de la commune à un an d’emprisonnement avec sursis. Le soir du 3 octobre 2015, des orages catastrophiques avaient transformé plusieurs rivières de la Côte d’Azur en torrents d’eau et de boue, causant la mort de 20 personnes et des dégâts considérables.
A Biot, une vague de submersion avait dévasté plusieurs quartiers et envahi le rez-de-chaussée de l’Ehpad. Trois résidentes, âgées de 82, 91 et 94 ans, y étaient mortes noyées. Dix-huit avaient passé plusieurs heures dans le noir avec 1,25 m d’eau boueuse tourbillonnante dans leur chambre.
«Le bien-être des résidents, ça passe à côté»
Lors du procès pour homicides involontaires en janvier, le parquet avait requis 18 mois d’emprisonnement avec sursis contre l’ex-maire Guilaine Debras, douze mois contre le responsable des risques naturels de la commune et contre la directrice de l’Ehpad, ainsi que 50 000 euros d’amende contre le groupe Orpea. Il aurait, en effet, suffit de monter tous les résidents au premier étage pour éviter le drame, comme cela avait été fait in extremis lors d’une précédente inondation en 2005. Mais Météo France, qui avait placé le département en vigilance orange, avait reconnu a posteriori que l’alerte aurait dû être «rouge» : «L’événement est déjà sur site au moment où nous comprenons son intensité», a témoigné un responsable du service.
En outre, le tribunal a relevé qu’Orpea, qui avait racheté l’Ehpad en 2011, n’avait pas été informé du risque d’inondations mortelles. Un courrier de la mairie lui assurait même que l’établissement était désormais protégé par des bassins de rétention creusés en amont. Le tribunal n’a donc relevé aucune «faute qualifiée» du groupe, au grand dam des parties civiles.
«Sachant les précédents du groupe Orpea, vu toutes les affaires précédentes, on sait très bien que c’est le profit personnel et que le bien-être des résidents, ça passe à côté», a dénoncé Denis D., dont l’épouse a perdu sa grand-mère. Le groupe Orpea, qui a changé de nom la semaine dernière pour devenir Emeis, a été ébranlé en 2022 par le livre-enquête du journaliste Victor Castanet, les Fossoyeurs, qui dénonçait des maltraitances sur des résidents.
«Aucune faute» de la directrice
Le tribunal n’a relevé «aucune faute» non plus de la directrice, qui n’était en poste que depuis un mois. Agée de 29 ans à l’époque, elle a été mutée en interne puis licenciée en 2021. A l’audience, elle avait paru très affectée par les poursuites : «Ça a détruit ma vocation et ça a détruit ma vie.»
En revanche, l’ex-maire a été reconnue coupable parce que le plan communal de sauvegarde (PCS), qui fixe précisément les responsabilités et les procédures à mener en cas d’urgence, n’était pas opérationnel. Lors du procès, elle avait expliqué avoir découvert après son élection en 2014 que le PCS qu’elle avait voté en 2009, quand elle était dans l’opposition, ne fonctionnait pas.
«On a tout mis en œuvre, et j’ai pu livrer à la commune un PCS qui fonctionne en septembre 2016, parce que c’est difficile d’aller plus vite», a-t-elle expliqué après le délibéré. Etant condamnée en tant que maire, d’éventuels dommages pour les parties civiles relèvent désormais de la commune et du tribunal administratif. Concernant l’agent municipal, le tribunal a estimé que sa place et ses responsabilités au sein du PCS en vigueur en 2015 étaient trop floues.