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Discriminations

«Sale noire», «rentrez chez vous !» : des joueuses de rugby de Bobigny victimes de propos racistes pendant un match

Les joueuses du club de rugby de Bobigny ont été la cible d’insultes racistes lors d’un match qui s’est déroulé ce dimanche 31 mars à Lons (Pyrénées-Atlantiques). Le club réclame que de «vraies actions» soient entreprises, notamment par la Fédération française de rugby.
Des joueuses de l’équipe de réserve de Bobigny avaient déjà subi des insultes racistes deux semaines auparavant, a de son côté précisé Vincent Gabrelle, secrétaire général de l’AC Bobigny 93. (South_agency/Getty Images)
publié le 3 avril 2024 à 20h16
(mis à jour le 4 avril 2024 à 12h30)

Quand des insultes racistes se mêlent à la mêlée. Ce dimanche 31 mars à Lons (Pyrénées-Atlantiques), en banlieue de Pau, c’est jour de match. Le club AC Bobigny 93 Rugby (Seine-Saint-Denis) affronte Lons Section Paloise lors du dernier match de Coupe de France de rugby féminin. Mais lors de cette rencontre entre les deux équipes de première division, les joueuses de Bobigny – surnommées «Les Louves» – deviennent la cible d’injures racistes.

Gabriela Tanga, capitaine de l’équipe des Louves, raconte l’incident auprès de Libération : «L’une de mes coéquipières a reçu un coup d’épaule de la part d’une joueuse de l’équipe adverse. Elle l’a traitée de sale noire. Après, pendant un ruck [mêlée spontanée, ndlr], on a entendu un “casse-toi, on n’est pas dans ta cité”». Elle affirme également entendre un «rentrez chez vous !» dans les tribunes du public. Et Gabriela Tanga de déplorer : «A la fin du match, on s’est toutes regroupées pour débriefer, comme à notre habitude. Mes coéquipières étaient très touchées, certaines étaient au bord des larmes, et d’autres ont pleuré.»

La jeune capitaine dénonce ce «racisme courant sur le terrain» et «une stigmatisation de Bobigny» et du 93 (Seine-Saint-Denis). «Parce qu’on est du 93, on est des voyous. Parce qu’on est des 93 et des noirs, on est des voyous et des sauvages», lance-t-elle. Cette situation «n’est pas normale et il ne faut plus la laisser passer, conclut la joueuse. J’espère que nos voix seront entendues. Je veux juste défendre nos valeurs et faire en sorte qu’il n’y ait plus de racisme sur le terrain».

Des joueuses de l’équipe de réserve de Bobigny avaient déjà subi des insultes racistes deux semaines auparavant, a de son côté précisé Vincent Gabrelle, secrétaire général de l’AC Bobigny 93. «On avait insulté les joueuses de “sales macaques”, déplore-t-il. Donc on peut dire que dimanche, ça s’est passé à Lons, mais en réalité, ça s’est passé bien des fois ailleurs. Et c’est justement ça qu’on ne veut plus. Trop, c’est trop. Cette situation dure depuis des années. Aujourd’hui, il y a un ras le bol général.»

Le club de Bobigny réclame «de vraies actions»

En réponse, le club de Bobigny a réclamé «de vraies actions», notamment par la Fédération française de rugby. «On souhaite qu’un véritable travail soit fait, et pas simplement sur le plan de la communication. On réclame des mesures fortes, jusqu’à des sanctions disciplinaires. Nos joueuses professionnelles ne sont pas les seules touchées par le racisme, même nos cadettes se font insulter très régulièrement», lance Vincent Gabrelle.

Dès mardi, la FFR, via sa commission anti-discriminations et égalité de traitement (CADET), avait annoncé s’être «autosaisie» du problème, selon les informations du secrétaire général de l’AC Bobigny 93, dont la section féminine, les «Louves», évolue en Elite 1. L’organisme a condamné «fermement les actes de racisme constatés lors de certaines rencontres», apportant «son soutien aux joueuses et dirigeants concernés».

Une réunion de la commission a par ailleurs eu lieu ce mercredi soir. Cette dernière était «programmée de longue date et ne portait pas spécifiquement sur les incidents en question, dont il a cependant été longuement question», détaille la FFR auprès de Libération. Et la fédération de compléter : «Toutes les composantes de la FFR réitèrent la condamnation la plus ferme qui soit face à de tels comportements. La FFR a pris contact avec les clubs concernés et mène d’ores et déjà des investigations qui lui permettraient d’ouvrir les poursuites disciplinaires appropriées.»

Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le club de Lons a promis pour sa part de «prendre les mesures nécessaires et adaptées». Et de préciser : «Notre club de rugby, ancré dans des valeurs de respect, d’inclusion et de diversité n’a jamais toléré, encouragé, ni même été complice d’aucune forme de discrimination, que ce soit sur le terrain ou en dehors.»

Plusieurs internationaux français, dont Cameron Woki (Racing 92) et Madoussou Fall (Stade bordelais), tous deux formés à Bobigny, ont également réagi sur leurs réseaux sociaux en postant notamment le communiqué du club de Seine-Saint-Denis condamnant ces actes.

Mise à jour : le jeudi 4 avril à 16 h 56 avec l’ajout des déclarations de la FFR.