Tous les matins, Abdouraman (1) se rend au travail dans la mairie d’une commune d’Ile-de-France – que nous ne citons pas pour le protéger. Il enfile sa tenue de chantier sous les fenêtres des fonctionnaires : un paradoxe pour lui, le Malien sans papiers débouté de l’asile, dont «la France ne veut pas», mais qui semble bien précieux au moment de couler du béton armé par 5°C pour la rénovation du bâtiment. «Je rends régulièrement service à la France», avance, bravache, Abdouraman, le visage enserré par un épais col roulé. Cet été, il était embauché pour rénover un hôpital. Au printemps, c’est sur le village olympique qu’il exerçait. A chaque fois, l’entreprise sous-traitante l’appelle du jour au lendemain sur ces chantiers de l’Etat. «On m’appelle parce que les Français ne veulent pas faire ce travail. J’accepte parce qu’il faut bien manger. Je suis venu pour vivre mon rêve européen, comme d’autres avant moi», admet celui qui a connu des conditions de vie difficiles en Libye, avant de traverser la Méditerranée sur un bateau pneumatique pour arriver en France en 2018.
Sur le chantier de la mairie, il exerce sous alias (il utilise l’identité d’une connaissance en règle) : un peu plus de 100 euros par jour pour huit heures de travail, sans congés et sans protection en cas d’accident. «Le secteur public connaît les mêmes problématiques que le privé, que ce soit dans le BTP, le nettoyage ou dans les autres secteurs où il manque de la main-d’œuvre. On a déjà e