L’amendement était attendu : 15 millions d’euros de crédit par an pour financer la recherche contre les cancers des enfants, qui en tuent environ 450 chaque année. Voté par l’Assemblée et le Sénat cet automne, à nouveau par les Sénateurs en janvier, il ne figurait plus dans le texte du gouvernement Bayrou, adopté le 5 février après un recours à l’article 49.3. Devant les levées de boucliers toute la journée de samedi 8 février, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche s’est finalement engagé à «compléter de 15 millions d’euros le budget consacré à la lutte contre les cancers pédiatriques», qui s’ajoutent aux «60 millions d’euros supplémentaires déjà» alloués à cette cause.
Les réactions avaient commencé à fuser vendredi soir : Grandir sans cancer a dénoncé sur X «un choc pour les assos et les familles […] Nous n’aurions jamais imaginé que [le gouvernement] oserait ôter [les 15 millions d’euros annuels]». La fédération associative réunie autour des cancers pédiatriques a justement été créée «en vue d’obtenir des améliorations budgétaires», en partie pour la recherche, comme elle le décrit sur son site. Elle avait, avec l’association Eva pour La vie, contribué à l’élaboration de cet amendement finalement disparu.
Tribune
Selon le texte adopté au Sénat le 21 janvier, ces 15 millions visaient à «amplifier» un effort entamé par le projet de loi de finances de 2019 qui avait instauré cinq millions d’euros par an fléchés «en faveur de la recherche fondamentale sur les cancers pédiatriques». Autrement dit, des travaux visant à étudier le fonctionnement de l’organisme - ils interviennent donc en amont de toute application pratique.
Les responsables politiques, notamment de gauche, se sont aussi emparés du sujet, comme François Ruffin ou Marine Tondelier sur leur compte X respectif : «Ce gouvernement fait des économies sur la santé et même la vie de nos enfants», a tonné la secrétaire nationale d’Europe Ecologie les verts. Le député Renaissance Sylvain Maillard avait lui aussi demandé, sur France Info, au gouvernement de «remettre» cette somme dans le budget.
«Priorité» du gouvernement
Retournement de situation en fin de journée samedi : face aux critiques, tant du côté des associations que des responsables politiques, le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’engage à réinjecter la somme dans le budget.
Il se défend de toute responsabilité dans cette disparition, puisque le texte adopté à l’Assemblée nationale par 49.3 est issu de la commission mixte paritaire – bien que l’exécutif se gardait la possibilité d’y ajouter des amendements. «Dans sa décision finale, [la CMP] n’a pas retenu un amendement en faveur de la lutte contre les cancers pédiatriques», détaille encore le communiqué, assurant que cette cause est bien une «priorité» du gouvernement. «Tous les acteurs de l’oncologie pédiatrique seront reçus dans les jours qui viennent.»
Le ministère en a aussi profité pour glisser d’autres chiffres, reflets de «l’engagement de l’Etat» dans la lutte contre les cancers : «La dotation annuelle de l’Institut national du cancer (INCa) par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est par exemple passée de 38 millions d’euros à 68 millions d’euros» l’an dernier.
Près de 2300 cancers détectés chez les enfants par an
De quoi apaiser les acteurs du secteur. Car l’enjeu est de taille : ces 15 millions supplémentaires ont pour objectif de poursuivre la démarche entamée en 2019 et favoriser la recherche clinique, c’est-à-dire des travaux effectués directement sur des humains. Ils devaient notamment soutenir «un programme hospitalier de recherche […] spécifiquement dédiée aux cancers pédiatriques.»
Car s’ils restent des maladies rares, ils sont la première cause de mortalité par maladie chez les moins de 15 ans. Selon l’Institut national du cancer, quelque 2 260 nouveaux cas de cancers en moyenne ont été détectés chez des enfants (jusqu’à 17 ans) entre 2014 et 2020. Un quart d’entre eux sont des leucémies, un autre quart des tumeurs du système nerveux central et des lymphomes dans 15 % des cas. «Même si le taux de survie à cinq ans dépasse désormais 80 % […] deux tiers de ceux qui ont survécu auront des séquelles de leurs traitements, voire des seconds cancers susceptibles de se manifester tout au long de leur vie», rappelle l’Inca.
Puisque ces cancers ont des particularités par rapport à ceux qui touchent les adultes, il est d’autant plus crucial de concentrer une partie de la recherche sur ces spécificités. L’enjeu est donc non seulement de comprendre leurs causes, mais surtout de trouver de nouveaux traitements pour les soigner ou améliorer les conditions de vie de ces enfants malades.
Mise à jour : ce lundi 10 février à 10h11, avec l’ajout du communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.