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Santé

80 % des médicaments à base de paracétamol et d’ibuprofène restent efficaces des années après leur date de péremption, selon une étude

L‘UFC-Que Choisir révèle ce jeudi 19 septembre qu’une partie des médicaments ont une durée de vie plus longue qu’annoncé. L’Agence nationale de sécurité du médicament a déjà pris contact avec certains industriels au mois de juin dernier.
Pour son étude, l'UFC-Que Choisir a fait analyser 20 comprimés, gélules ou sachets paracétamol et 10 d'ibuprofène, dont la date de péremption était dépassée. (Amaury Cornu/Hans Lucas)
publié le 19 septembre 2024 à 17h16

Avant de faire le tri dans les armoires à pharmacie et de jeter à la poubelle tous les médicaments périmés, un dernier coup d’œil s’impose. Huit médicaments sur dix conserveraient 90 % de leur efficacité des années – voire des décennies – après leur date de péremption, révèle ce jeudi une étude de l’UFC-Que Choisir. «L’écrasante majorité des médicaments à base de paracétamol ou d’ibuprofène testés conservent leur efficacité bien après la date affichée sur les boîtes», précise ainsi l’association de consommateurs, qui soutient que «la date limite inscrite sur les boîtes ne signe pas l’arrêt de mort de leur contenu».

Dans le cadre de son «test exclusif», l’UFC-Que Choisir a fait analyser 20 comprimés, gélules ou sachets de paracétamol et 10 d’ibuprofène. Tous avec un point commun : une date de péremption dépassée. Les résultats de ces tests montrent que «seuls trois échantillons de chaque groupe contiennent moins de 90 % de la quantité affichée de principe actif» avec «par exemple, moins de 900 mg de paracétamol pour un Doliprane 1 g». Mais dans «80 % des cas, les médicaments contiennent suffisamment de substance active pour être considérés comme efficaces», démontrent les résultats.

Il n’y aurait donc «aucune relation entre l’année de péremption des médicaments et la quantité de substance active encore présente». Plusieurs exemples frappants : du paracétamol «censé être périmé depuis 1992» contenait encore 100 % de substance active, tout comme des comprimés de Dafalgan périmés depuis 2018 et ayant traversé canicules, averses, humidité, toutefois toujours efficaces à hauteur de 95 %.

«Le paracétamol et l’ibuprofène sont en effet des molécules de base, stables sur le temps. Leurs principes actifs se conservent mieux que pour certains médicaments, comme les pommades ou les sirops. Ce sont aussi des médicaments antidouleurs dont la moindre efficacité n’est pas dommageable : quand ils se dégradent, il n’y a pas de principe dangereux qui peut s’y développer», explique à Libération Yorick Berger, pharmacien et porte parole de la FSPF Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF).

L’Agence nationale de sécurité du médicament saisie

L’UFC-Que Choisir pointe alors du doigt «une véritable gabegie environnementale, économique et sanitaire», alors que des «délais rallongés permettraient de limiter le gaspillage et le choc des pénuries» de médicaments que connaît la France depuis de longs mois. L’association de consommateurs remet par ailleurs en cause le système de réglementation français, qui dispose d’une vision «beaucoup plus restrictive que les autorités américaines», tout comme sa façon de décider de manière «purement discrétionnaire» de la date de péremption des médicaments. «Rien [n’oblige les laboratoires] à étendre cette date, quand bien même ils sauraient pertinemment garantir l’efficacité des médicaments au-delà ! De quoi se demander si de leur point de vue, les critères économiques prennent le pas sur les critères scientifiques…», dénonce l’organisme.

L’association annonce à ce titre saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour lui demander de faire évoluer la réglementation en la matière. L’autorité affirme auprès de Libé avoir déjà pris contact avec les industriels du secteur pour prolonger la durée de vie officielle des médicaments, et ce même avec la parution de cette étude, en juin dernier.

Pas de prolongation pour les sirops ou les collyres

Avec la parution de cette étude, l’UFC-Que Choisir espère ainsi réduire un «gâchis de médicaments» aux multiples conséquences. Les dates de péremption trop courtes engendreraient selon elle «des montants faramineux de dépenses inutiles» et un «renouvellement plus rapide des médicaments qui a un coût pour le système hospitalier, l’assurance maladie et les malades», tout en contribuant aussi à «augmenter artificiellement la demande de médicaments et participer aux pénuries ou aux tensions d’approvisionnement».

Yorick Berger nuance toutefois ces conclusions. Selon lui, il ne serait pas possible de tirer «des affirmations générales à appliquer unilatéralement». «On ne peut pas jouer avec les dates de péremption comme bon nous semble, car chaque molécule répond à des caractéristiques spécifiques. Il faut faire du cas par cas», fait savoir le pharmacien, qui met en avant deux dangers liés à une consommation au-delà de la date limite. D’un côté, «le produit pourrait se transformer en un sous-produit dangereux pour la santé». De l’autre, «il est aussi possible qu’une bactérie s’y développe avec le temps». «Ce n’est pas comme un yaourt périmé que l’on va quand même manger», résume-t-il.

La prudence reste donc de mise, par exemple, pour «les liquides dont le flacon est ouvert», met en garde UFC Que-Choisir, qui cite l’exemple des collyres ou des sirops pour la toux, et qui ont «une espérance de vie limitée». «Idem concernant les pommades, pour lesquelles une hygiène scrupuleuse dans la manipulation est en outre nécessaire», les médicaments dont la couleur et la texture ont été altérées, mais aussi pour l’aspirine, «qui peut se dégrader facilement».

Selon le porte-parole du principal syndicat de pharmaciens français, seule une «étude de stabilité et de sécurité qui démontre qu’il n’y a pas vérification de l’efficacité d’un médicament» permettrait d’étendre sa période de consommation. Une décision qui «ne peut pas être aléatoire», mais déjà en réflexion.