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Libération
Reportage

A Ivry-sur-Seine, les futurs chiropracteurs s’occupent gratuitement des étudiants en difficulté

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Deux associations étudiantes se sont unies pour proposer des soins chiropratiques gratuits à des jeunes, qui souffrent d’une augmentation des troubles musculo-squelettiques en raison du manque d’activité physique, lié aux restrictions sanitaires et aux cours à distance.
A Ivry-sur-Seine, des étudiants en chiropraxie offrent leurs services gratuitement à des jeunes confrontés à des maux de dos et des douleurs articulaires. (Marie Rouge/Libération)
publié le 13 avril 2021 à 8h53

Debout ou sur la table de massage, Olena, 23 ans, reproduit attentivement les gestes que lui montre Lucie, du même âge, en blouse blanche, étudiante en cinquième et dernière année de chiropraxie. Une thérapie qui agit sur les maux de dos et les douleurs articulaires. «Essayez de toucher le sol», «tourner à droite, puis à gauche», «mettez vos mains le long du corps etfaites-less descendre», peut-on entendre dans la salle de consultation où elles se trouvent, au sein du centre clinique de chiropraxie d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. L’objecti  : détecter les douleurs, trouver leur origine et les traiter. «J’ai mal au cou, en bas et au milieu du dos depuis longtemps, mais avec les confinements successifs et les cours à distance, ça s’est aggravé», explique la jeune étudiante en comédie. La faute au manque d’activité physique et de sommeil, au stress… Une situation qui touche de plus en plus de jeunes en ce moment, selon le personnel médical de la clinique.

«Avec la pandémie, on reste en position statique»

«D’habitude ce sont plutôt les personnes âgées de 40 ans et plus qui se plaignent de ce type de maux, de problèmes au dos et tensions aux cervicales, voire aux genoux, souligne Florian Barbier-Cazorla, 29 ans, chiropracteur depuis sept ans, encadrant et professeur à l’Institut franco-européen de chiropraxie (Ifec), seule école en France de chiropraxie. Avec la pandémie, lorsqu’on travaille ou étudie chez soi, on est souvent en position statique pendant un long moment. Ce qui n’est pas bien, il faut bouger, aller boire régulièrement, aller aux toilettes… C’est très important d’avoir un corps qui ne reste pas figé.»

Face à ce constat, les membres de l’association des étudiants chiropracteurs (la WCCS, pour World congress of chiropractic students) et de l’association de distribution alimentaire et de produits d’hygiène, Co’p1-Solidarités étudiants, ont décidé de ne pas rester les bras croisés. Depuis février, des étudiants bénéficient de consultations gratuites assurées par des étudiants de l’Ifec à Ivry-sur-Seine. «Il n’y a que les personnes en quatrième et cinquième années qui peuvent donner des soins. Car, pour valider leur troisième année, elles ont dû prouver qu’elles maîtrisaient certaines manipulations du corps, assure la vice-présidente de WCCS-Ivry, Coline Yahi. Et ce qui est rassurant, c’est que les étudiants en chiropraxie sont constamment encadrés par des chiropracteurs diplômés et en exercice lors des séances.»

Consultations gratuites

Pour profiter de ces soins, il faut être étudiant et inscrit aux distributions de denrées de l’association Cop’1. «Ces conditions permettent de faire le lien plus facilement entre les futurs chiropracteurs et les jeunes en détresse qui n’ont pas les moyens de se payer des séances de chiropraxie», précise Kamal, 24 ans, chargé de mission à Cop’1. Un tarif préférentiel à 15 euros pour les étudiants qui ne bénéficient pas de l’aide alimentaire existe aussi – contre 25 euros la séance à la clinique d’Ivry-sur-Seine, et 70 euros en moyenne pour une consultation de chiropraxie en France.

Au démarrage du dispositif, 36 étudiants ont profité des manipulations des futurs chiropracteurs lors du premier mois. Au mois de mars, près de 200 nouveaux étudiants étaient inscrits pour recevoir des soins. Tous n’ont pas pu voir leur demande satisfaite, la clinique ne pouvant accueillir que 150 étudiants par mois en raison des restrictions sanitaires. «Des étudiants en liste d’attente ont pu nous rejoindre, ce mois-ci, en avril. Il y a eu des annulations et certains d’entre eux estiment ne plus avoir besoin de nos services après plusieurs consultations», rapporte la vice-présidente de WCCS-Ivry. Chaque séance dure quarante-cinq minutes et se déroule en plusieurs temps. Une discussion s’opère entre l’étudiant et le futur chiropracteur pour évoquer l’historique du patient. Le plus important est compilé par écrit pour que l’encadrant chiropracteur puisse avoir accès aux échanges. S’ensuivent de petits exercices pour identifier précisément les douleurs.

«Je suis en meilleure forme»

«On fait toujours les mêmes exercices pour suivre l’évolution des zones douloureuses. Par exemple, cela permet de voir si un patient arrive à faire un geste qu’il n’arrivait pas à faire lors de la première séance», explique Lucie. Avant de poser un quelconque diagnostic ou prodiguer des soins, l’étudiant sort de la salle pour s’entretenir sur Zoom avec son encadrant, qui se trouve dans une salle voisine, pour avoir son aval. «Cela permet d’être plus professionnel. Le patient n’a pas à entendre par exemple les hésitations de soins ou des éléments confidentiels entre les étudiants chiropracteurs et nous, les encadrants», juge Florian Barbier-Cazorla, l’encadrant. Les soins sont prodigués à la main ou à l’aide d’outils. Les chiropracteurs ont l’habitude d’appuyer sur les douleurs pour essayer de les atténuer et d’utiliser un pistolet de massage pour détendre les muscles.

Au fil des séances, les étudiants bénéficiaires affirment se sentir de mieux en mieux. «Avant, j’avais du mal à m’asseoir et aussi des difficultés à respirer. Maintenant, je suis en meilleure forme avec les séances et les exercices que je dois faire à la maison 15 minutes par jour : bouger mon cou et étirer mes bras comme me l’a montré Lucie» ; raconte Olena. C’est aussi le cas de Marie, 21 ans, étudiante en master de droit des affaires. «J’ai encore mal, mais moins qu’avant. Ces séances me permettent de prendre soin de moi et de discuter de sujets que je ne pensais pas très important à mon âge et qui le sont finalement : ceux liés à la santé. Si on ne se soigne pas, notre état risque de s’aggraver», explique-t-elle. Pour éviter cela, dans les prochaines semaines, les étudiants de l’Ifec envisagent de faire des soins gratuitement également à Toulouse, où se trouve la deuxième antenne de leur école.