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Libération
Reportage

A Strasbourg, une maison médicale pour monter la garde

Les hôpitaux de la ville, en collaboration avec SOS Médecins, ont créé le 6 mai un cabinet de médecine ouvert le soir et les week-ends. Dans l’espoir de désengorger les urgences, situées juste à côté.
La maison médicale de garde de Strasbourg, créée le 6 mai, est ouverte les soirs, week-ends et jours fériés. (Pascal Bastien/Libération)
par Guillaume Krempp, correspondance à Strasbourg
publié le 19 mai 2022 à 7h15

«Je n’ai pas su où aller. Alors je suis passé aux urgences.» Franz (1) est journaliste et étudiant en anthropologie. Dimanche, en fin de matinée, il se rend au Nouvel Hôpital civil de Strasbourg. Piqué par un insecte deux jours plus tôt, il sent une douleur persistante «dans tout le bras». Son médecin traitant est à Kehl, de l’autre côté de la frontière franco-allemande. Son cabinet est fermé le dimanche. Le jeune Allemand s’inquiète, d’autant qu’il part bientôt en Bosnie pour ses recherches. Aux urgences, l’infirmière d’accueil et d’orientation lui indique la maison médicale de garde, située à quelques pas.

Lancée le 6 mai, la structure consiste en un cabinet de médecine générale implanté à quelques pas des urgences du centre-ville strasbourgeois. Ouverte les vendredis de 19 heures à minuit et les samedis, dimanches et jours fériés de midi à 20 heures, la permanence des soins y est assurée par des professionnels de SOS Médecins. Ils sont 35 à se partager des créneaux de quatre heures. Les médecins y ont accès à plusieurs types d’examens complémentaires : analyse de sang, d’urine, scanner…

Président de l’antenne strasbourgeoise de SOS Médecins, le docteur Dan Sellam rappelle l’objectif de ce partenariat avec les Hôpitaux universitaires de Strasbourg et l’agence régionale de santé : «La maison médicale de garde doit permettre de réduire les erreurs d’aiguillage. Les urgences ont besoin de cet appui pour prendre en charge les personnes qui relèvent de la médecine de ville. Ce peut être une angine, un syndrome fébrile, un mal de dos sans paralysie associée, des coliques néphrétiques…»

«Une situation anxiogène»

Il est midi passé lorsque Franz est accueilli par le docteur Murat Atak. Le médecin de 50 ans s’excuse du léger retard. La consultation dure une dizaine de minutes. Le jeune Allemand sort satisfait de sa prescription et soulagé de ne pas avoir attendu des heures aux urgences. La patiente suivante s’appelle Lucie. Elle a 4 ans et une joue droite bien gonflée. Ses parents ont déjà été aux urgences la semaine dernière. Ils se souviennent des longues heures à patienter, d’une personne malade en salle d’attente, souffrante, qui criait. «Une situation anxiogène pour la petite», se rappelle la mère, Christelle. Alors aujourd’hui, ils ont appelé SOS Médecins, qui leur a proposé un rendez-vous dans la maison médicale de garde. «Ici, au moins, on peut être à deux. Aux urgences, à cause du Covid, un seul parent a le droit d’accompagner», commente le père. Lucie a les oreillons. Le médecin lui prescrit des anti-inflammatoires.

C’était une demande du directeur Dan Sellam : que la maison de garde médicalisée soit aussi accessible par le standard téléphonique du Samu et de SOS Médecins. En ce début d’après-midi dominical, la majorité des patients viennent après avoir appelé l’association, qui est implantée dans deux quartiers prioritaires de la ville, à Cronenbourg et au Neuhof. Depuis le lancement de la structure, c’est le cas de 70% des patients reçus. Les 30% restants viennent des urgences. Le docteur Murat Atak analyse : «C’est aussi lié à une augmentation de l’activité à laquelle nous faisons face parce que les gens ne trouvent pas de rendez-vous dans l’immédiat sur Doctolib. Nos antennes des quartiers Cronenbourg et au Neuhof sont de plus en plus pleines.»

Lors de la consultation suivante, le médecin est interrompu par un appel des urgences voisines. Il lui est demandé de prendre en charge en priorité un patient venu aux urgences pour des cloques au pied. Le jeune homme est agité. Il n’a pas appelé son médecin traitant avant de venir. Une fois la prescription signée et la porte fermée, le médecin commente : «Ici, c’est plus facile de calmer» ce type de patients «psychotiques», qui réclament des soins immédiatement et «encombrent les urgences».

«Plus de lits et de personnel»

Dehors, Natacha et Sophie (1) prennent leur pause. L’aide-soignante et l’agent de service hospitalier n’ont pas encore senti l’impact de la nouvelle maison médicale aux urgences. La première estime qu’il faudra encore du temps pour que les personnels et les patients intègrent l’existence de cette structure. La seconde lâche, après avoir tiré sur sa cigarette : «Pour résoudre les problèmes des urgences, il faudrait aussi ouvrir des lits… Et qu’ils nous donnent plus de personnels.»

Plus d’une semaine après l’ouverture de la structure, le directeur de SOS Médecins Strasbourg l’admet : «Ce n’est pas un démarrage en trombe… En moyenne, nous recevons entre huit et dix patients par créneau de quatre heures. Pour les urgentistes, ça ne fait pas encore de différence.» Dan Sellam le concède : «Les patients qui relèvent de la médecine de ville, ce n’est pas l’unique problème des urgences… La maison médicale seule ne va pas sauver l’engorgement de ce service.»

(1) Les prénoms ont été modifiés.