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Libération
Droit des femmes

Accès à l’IVG : en France, des freins toujours bien réels

Dans un baromètre rendu public ce jeudi 26 septembre, le Planning familial souligne que malgré l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, des obstacles persistent, affectant les femmes les plus vulnérables. Un appel à la mobilisation est lancé pour le 28 septembre à Paris.
Lors d'une manifestation pour défendre le droit à l'avortement, en 2014 à Paris. (Thomas Samson/AFP)
par Léa Warrin
publié le 26 septembre 2024 à 15h00

Cinquante ans après la loi Veil, de nombreux freins subsistent dans l’accès à l’IVG. C’est l’enseignement du premier baromètre sur l’accès à l’avortement en France, dévoilé ce jeudi 26 septembre par le Planning familial, en partenariat avec l’Ifop. Cette enquête révèle que, malgré l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, de nombreuses femmes, particulièrement les plus vulnérables, ont des difficultés à avoir recours à l’IVG en France – malgré la hausse du nombre d’IVG pratiquées, environ 243 600 en 2023. Le Planning familial alerte également sur les prises de paroles de certains membres du gouvernement tout juste nommé.

L’Ifop a mené une enquête quantitative auprès du grand public et des femmes ayant eu recours à une IVG, complétée par une étude qualitative pour explorer leur vécu, des enquêtes menées entre le 10 et le 17 juillet, juste après la dissolution de l’Assemblée. Selon le baromètre, 85 % des personnes interrogées se disent très attachées au droit à l’avortement. Cependant, 51 % des femmes ayant déjà eu recours à une IVG craignent une régression de ce droit dans un avenir proche. Cette crainte est renforcée par la persistance de nombreux obstacles, constatés tant par les femmes concernées que par les associations de terrain.

Inégalités territoriales et longs délais

89 % des sondés identifient au moins un frein à l’accès à l’avortement, qu’il s’agisse de la fermeture de structures médicales, des délais d’attente trop longs, ou encore de la stigmatisation liée à l’acte lui-même. 63 % des femmes ayant avorté déclarent avoir eu peur d’être jugées par les professionnels de santé ou leur entourage. Près d’une femme sur trois a effectivement ressenti des pressions, soit de la part des mouvements anti-choix, des professionnels de santé, ou de leur entourage, un climat qui contribue au silence et à la culpabilisation des femmes concernées. «Le choix d’avorter fait toujours l’objet de remarques du personnel de santé et de l’entourage, et ce dès la prise de sang. Parmi les femmes qui avortent, certaines sont très jeunes et moins armées face à ces remarques. Elles n’osent pas forcément dire non ou poser des questions», souligne Sarah Durocher, présidente du Planning familial.

Le baromètre souligne également des disparités en fonction des femmes concernées et des inégalités territoriales importantes. Les femmes vivant en zones rurales ou celles en situation d’immigration, notamment sans-papiers, rencontrent des difficultés accrues pour accéder à l’IVG. 57 % des femmes qui vivent en zone rurale et 59 % des femmes immigrées considèrent l’accès à l’avortement comme particulièrement difficile. Les fermetures estivales de structures médicales et les délais d’attente, souvent supérieurs aux recommandations de l’OMS, sont également des obstacles. Il est crucial, insiste le Planning Familial, que ces dysfonctionnements soient corrigés pour que l’avortement soit réellement accessible à toutes les femmes, dans toutes les régions du pays.

Une campagne pour briser les tabous

L’organisation, qui s’est mobilisée pour contrer l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite lors des législatives, n’est «pas rassurée par le nouveau gouvernement» Barnier. Plusieurs nouveaux ministres se sont notamment opposés à la constitutionnalisation de l’IVG lors qu’ils étaient parlementaires, comme Bruno Retailleau, désormais ministre de l’Intérieur, et Annie Genevard, nommée au ministère de l’Agriculture.

Face à ce constat, le Planning familial appelle à une mobilisation pour garantir un accès libre et égalitaire à l’avortement. Parmi les recommandations, l’association propose une meilleure formation des professionnels de santé, des campagnes de communication pour briser les tabous, et le développement de nouveaux centres IVG, notamment dans les zones rurales et les déserts médicaux.

Alors que des mouvements conservateurs gagnent du terrain en Europe, le Planning familial souligne l’urgence d’une action politique ambitieuse pour protéger et renforcer ce droit fondamental. Une mobilisation a été annoncé pour ce samedi 28 septembre, à 14h30 à Paris, à l’occasion de la Journée internationale pour le droit à l’avortement. «L’accès à l’avortement est un enjeu de visibilité et de sensibilisation», conclut Sarah Durocher, qui rappelle aussi l’importance de l’éducation affective et sexuelle en milieu scolaire.