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Budget 2025

Aide médicale d’Etat : vers une baisse de 111 millions d’euros de crédits par rapport au projet initial

La commission mixte paritaire s’est accordée ce vendredi 31 janvier autour d’une coupe budgétaire pour l’Aide médicale d’Etat (AME) : les crédits reviendraient au niveau de 2024 sans tenir compte de l’inflation. Cette aide destinée à soigner les immigrés en situation irrégulière est critiquée par la droite et l’extrême droite, tandis que la gauche bataille pour la maintenir en l’état.
L'aide médicale d'Etat, instaurée en 2000, permet à des ressortissants étrangers en situation irrégulière, sur le territoire depuis plus de trois mois et avec de faibles revenus, d’avoir accès à certains soins. (Bastien Doudaine/Hans Lucas pour Libération)
publié le 31 janvier 2025 à 10h14

Alors que plane toujours une menace de censure agitée par la gauche et le RN, la commission mixte paritaire, en quête de compromis sur le budget de l’Etat, s’est emparée du dossier très sensible de l’Aide médicale d’Etat (AME). Les sept sénateurs et sept députés se sont même accordés, ce vendredi 31 janvier : ils ont approuvé une baisse de crédit de 111 millions d’euros par rapport au projet de budget initial, sur 1,3 milliard. Ce dispositif, instauré en 2000, permet à des ressortissants étrangers en situation irrégulière, sur le territoire depuis plus de trois mois et avec de faibles revenus, d’avoir accès à certains soins.

Deux propositions s’affrontaient, selon des sources parlementaires. Celle portée par le sénateur Jean-François Husson (LR), qui suggérait une coupe de 200 millions sur les 1,3 milliard. Et celle du député Renaissance David Amiel : lui prônait 111 millions d’euros, de quoi permettre de maintenir les crédits alloués à cette aide à leur niveau de 2024 - Michel Barnier avait envisagé une légère hausse dans la copie initiale du budget. Une forme de gel, donc, qui est de fait une coupe puisqu’il ne prend pas en compte l’inflation. La proposition du député l’a donc emportée.

Compromis socialiste

Les socialistes, qui réclamaient le maintien des crédits à hauteur de ce que proposait la version initiale du projet de loi (1,3 milliard), ont voté l’amendement de l’élu Renaissance faute de pouvoir faire adopter le leur. Et par crainte que la version du Sénat s’impose.

«Humiliation totale des LR sur le budget et l’immigration !», a réagi sur X le chef de file du RN sur le budget, le député Jean-Philippe Tanguy. Colère aussi du côté de l’Insoumis Aurélien Le Coq, membre de la CMP, mais pour la raison inverse. «La Macronie et les soutiens du gouvernement coupent dans l’AME ! C’est l’extrême droite qui gouverne ? La censure s’impose. Aucun élu du NFP ne peut laisser adopter un tel budget.»

Ces deux réactions illustrent la discorde qui agite les camps politiques autour de l’AME - jusqu’à cliver, fait rare, le socle commun. Car la gauche, le centre - tout comme les professionnels de santé et de nombreuses associations - bataillent pour le maintien en l’état de ce dispositif. «Affaiblir l’AME, c’est exposer notre système de santé à une pression accrue de prises en charge plus tardives et donc plus graves et plus coûteuses», avaient d’ailleurs alerté en septembre huit anciens ministres de la Santé, dont Aurélien Rousseau, Roselyne Bachelot ou encore Olivier Véran dans une tribune au Monde.

De leur côté, la droite et l’extrême droite demandent régulièrement la réduction du périmètre de soins éligibles, voire la disparition pure et simple de l’AME. Cette position est aussi infusée par le ministre de l’Intérieur : sur le plateau de BFM, Bruno Retailleau a affirmé le 19 janvier que l’AME serait «touchée» dans le prochain budget de la Sécu. Il demandait notamment que soient reprises les conclusions du rapport Evin /Stefanini, remis fin 2023 avant la dissolution.

Le document avait, selon le ministre, jugé que l’AME était un «encouragement à la clandestinité». Ses auteurs, l’ancien ministre PS Claude Evin et le préfet Patrick Stefanini, prônaient notamment un ajustement du panier de soins accessibles via cette aide. Mais ils avaient aussi souligné son intérêt pour éviter la dégradation de l’état de santé des migrants clandestins, ainsi que la propagation de maladies à toute la population.

Mise à jour : à 11 h 10 avec plus de détails sur les discussions de la CMP et les réactions.