Sa décision était attendue, le feu rouge moins. L’agence européenne des médicaments (EMA) vient de se prononcer, ce vendredi 26 juillet, contre la mise sur le marché dans l’Union européenne du Leqembi, un traitement anti-Alzheimer qui vise à réduire le déclin cognitif des personnes atteintes par la maladie. En cause : une balance bénéfices-risques pas suffisamment favorable. L’effet observé du traitement «ne contrebalance pas le risque d’effets secondaires graves associés au médicament». Le régulateur pointe notamment des «saignements potentiels dans le cerveau des patients».
L’EMA se démarque donc des autorités sanitaires américaines, qui ont autorisé le médicament en janvier 2023, pour les patients n’ayant pas encore atteint un stade avancé de la maladie. Développé par les laboratoires japonais Eisai et américain Biogen, le Leqembi est un anticorps monoclonal administré par intraveineuse – une fois toutes les deux semaines. Son principe actif (le lecanemab) cible les dépôts d’une protéine appelée bêta-amyloïde, qui forment, en s’accumulant, des plaques amyloïdes.
Or si les causes de la maladie d’Alzheimer restent encore mal connues, «il est établi qu’avant même l’apparition des premiers symptômes, les neurones sont affectés par deux types de lésions : les plaques amyloïdes que l’on retrouve entre les neurones, et la dégénérescence neurofibrillaire que l’on retrouve à l’intérieur des neurones», explique la Fondation Recherche Alzheimer sur son site. Les plaques amyloïdes, qui se déposent entre les cellules nerveuses du cortex cérébral, provoquent un dysfonctionnement des connexions entre les neurones. Tandis que la dégénérescence neurofibrillaire entraîne la mort des neurones. Ces deux types de lésions entraîneraient donc les pertes de mémoire caractéristiques de la maladie.
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Dans une étude menée sur 1 700 patients, publiée en novembre 2022 dans le New England Journal of Medicine, le Leqembi montrait une réduction de 27 % des troubles cognitifs après dix-huit mois de traitement. Sans permettre une guérison de la maladie, ces résultats promettaient tout de même de ralentir son évolution. Mais ce signal d’efficacité comporte des effets indésirables qui invitent à la prudence : les résultats d’imagerie montraient 12,6 % d’œdèmes cérébraux et 17 % de micro-hémorragies cérébrales. Dans son avis négatif, l’EMA pointe «en particulier l’apparition fréquente d’anomalies d’imagerie liées à l’amyloïde […] impliquant un gonflement et des saignements potentiels dans le cerveau des patients» s’étant fait administrer le traitement.
La recherche patine
Un autre traitement développé par Esai et Biogen contre Alzheimer, l’Aduhelm, avait été le premier à être autorisé par la FDA selon une procédure accélérée. Décision largement critiquée par des experts face au manque de preuves sur son efficacité. Six mois plus tard, l’EMA l’avait aussi retoqué. Ce nouveau frein du régulateur européen «sera une déception pour beaucoup», réagit Tara Spires-Jones, spécialiste sur la neurodégénérescence à l’université d’Edimbourg. «Mais il y a des raisons de garder espoir. Le lecanemab a montré qu’il était possible de ralentir la progression de la maladie, poursuit-elle dans un communiqué. Il nous faut maintenant intensifier nos efforts pour découvrir de nouveaux traitements plus sûrs.»
Il faut dire que la recherche patine depuis des décennies dans le domaine, et que les scientifiques échouent à réaliser une percée dans la lutte contre Alzheimer, alors que la maladie touche des dizaines de millions de personnes dans le monde. Et plus d’un million en France.