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Pas automatiques

Antibiotiques : la consommation se tasse après deux années de rebond, «signe encourageant» à accentuer

L’utilisation de ces médicaments s’est repliée en 2023 en médecine de ville après deux années de rebond, ont annoncé ce mercredi 6 novembre les autorités sanitaires françaises. Des efforts à maintenir et renforcer, pour limiter le risque de résistance des bactéries à ces traitements.
Un peu plus de 820 prescriptions pour 1 000 habitants ont été relevées en 2023, soit une baisse de 0,2 % par rapport à 2022. (Mathieu Thomasset /Hans Lucas. AFP)
publié le 6 novembre 2024 à 17h57

Les antibiotiques ne sont toujours pas automatiques, au risque d’alimenter les résistances de bactéries et compliquer les traitements. Le slogan commence certainement à mieux rentrer dans les esprits. La consommation de ces médicaments, utiles uniquement contre les bactéries, s’est repliée en 2023, après deux années consécutives de rebond. «Les chiffres de 2023 s’inscrivent dans la tendance de baisse modérée mais constante observée avant la pandémie de Covid-19 depuis 2013», selon une étude annuelle publiée ce mercredi 6 novembre par Santé publique France. L’agence publique s’appuie sur les données de l’Assurance maladie, établies à partir des remboursements de prescriptions.

Un peu plus de 820 prescriptions pour 1 000 habitants ont été relevées dans l’année, soit une baisse de 0,2 % par rapport à 2022 ; les doses journalières pour 1 000 habitants ont diminué de 3,3 % sur un an. «On revient dans une situation sanitaire normale post-pandémie, et la pédagogie auprès des professionnels et des patients porte progressivement ses fruits, mais les efforts pour usage maîtrisé des antibiotiques restent d’actualité», prévient Laetitia Gambotti, responsable de l’unité infections associées aux soins et résistance aux antibiotiques de Santé publique France. Après une tendance à la baisse pendant plusieurs années et une chute de la consommation d’antibiotiques au début de la pandémie de Covid-19, une reprise était apparue en 2021 et s’était intensifiée en 2022.

Mais si ce repli est un «signe encourageant», la France n’est pas près de quitter son bonnet d’âne et reste l’un des cinq pays européens les plus consommateurs d’antibiotiques. Elle est «encore loin de l’objectif cible de moins de 650 prescriptions pour 1 000 habitants par an» d’ici à 2025, rappelle Caroline Semaille, directrice de l’agence sanitaire. Les généralistes restent les plus prescripteurs d’antibiotiques, ils y ont moins recouru en 2023 (-1,3 % sur un an), à l’inverse des spécialistes (+ 4,6 %) et des dentistes (+ 1,4 %).

Baisse chez les jeunes enfants

L’étude publiée ce mercredi souligne également de fortes disparités dans les prescriptions et les usages, «en fonction de l’âge, du sexe et des territoires». Ainsi les femmes continuent d’en utiliser plus que les hommes, les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse sont aussi plus consommatrices. Bonne nouvelle du côté des enfants de moins de 5 ans : leurs prescriptions sont revenues à des niveaux «légèrement inférieurs» à ceux de 2019 – mieux qu’attendu – après une forte hausse en 2022. La tendance est inverse chez les personnes âgées avec une «légère augmentation» chez «les plus de 65 ans, et encore plus chez les plus de 80 ans», détaille Laetitia Gambotti.

Le recul de la consommation d’antibiotiques figure parmi les objectifs des autorités sanitaires françaises et mondiales, pour freiner l’apparition de bactéries résistantes à ces molécules. Et si cette antibiorésistance est naturelle, elle est exacerbée par une consommation excessive ou inappropriée des traitements – par exemple contre la grippe saisonnière, d’origine virale et non bactérienne.

Or les trois familles d’antibiotiques les plus administrées en 2023 (amoxicilline, association d’amoxicilline et d’acide clavulanique et macrolides) sont «fortement génératrices de résistances», rappelle Santé publique France, qui enjoint les professionnels à restreindre leur prescription. Pour éviter d’administrer à tort des antibiotiques, des tests rapides d’orientation du diagnostic (Trod) permettent aussi de confirmer la nature bactérienne des angines et des infections urinaires.

La vie de 39 millions de personnes menacée par l’antibiorésistance

Alors que les antibiotiques ont révolutionné la médecine moderne, leur moindre efficacité complique les traitements de maladies bactériennes souvent meurtrières, comme la tuberculose ou nombre de pneumonies, et augmente les risques d’infections de patients vulnérables, atteints de cancer par exemple. Si bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dépeint l’antibiorésistance comme l’une des principales menaces mondiales de santé publique. Elle entraîne déjà près d’1,3 million de morts chaque année à travers le monde.

Plus de 39 millions de personnes dans le monde pourraient mourir directement d’infections résistantes aux antibiotiques ces vingt-cinq prochaines années, selon une étude publiée mi-septembre, qui juge encore possible d’éviter ce scénario noir.