Jan Grijpma a organisé sa mort comme il avait planifié toute sa vie. Amateur de voyages, chef de projet dans de grandes firmes devenu sculpteur, très strict et ordonné, il ne se séparait jamais de son agenda. La dernière page de ce carnet rectangulaire, cerné de cuir rouge, est celle du 24 avril 2023. Lundi matin : «Visite du docteur… euthanasie.» Et puis les jours suivants, un simple mot répété : «mort», comme pour bien rappeler à sa mémoire grignotée par Alzheimer qu’il ne serait pas disponible ces jours-ci. Conformément à sa volonté, répétée tous les trois ans par écrit depuis 2015. «J’apprécie encore quelques petites choses dans ma vie, mais j’ai dû abandonner beaucoup, peut-on lire dans le dernier document, signé quelques semaines avant sa mort. Je ne veux plus régresser encore […] et devenir complètement dépendant au quotidien. Ça suffit.»

Comme la loi des Pays-Bas le permet depuis 2002, Jan Grijpma a choisi de mourir, à 90 ans. Dans sa maison de Waalre, dans le sud du pays, sa fille aînée Maria Grijpma a étalé sur la table des fragments de vie. Il y a son précieux agenda ; ce gâteau aux pommes qu’il achetait chaque semaine ; du café chaud servi dans sa tasse blanche ; une photo avec sa fille, cheveux au vent et visages rieurs, entourés par la mer. «J’aurais aimé le garder auprès de moi. Mais je ne voulais pas que cet homme, si exceptionnel, devienne ce qu’il redoutait», dit Maria Grijpma.

Ses limites avaient évolué au fil des années :