Vers un nouveau scandale sanitaire ? Plus de 40 lots de fromages au lait pasteurisé, de la fromagerie Chavegrand, ont fait l’objet d’un rappel entre lundi 11 et mardi 12 août en raison de suspicion de contaminations à la bactérie Listeria. Les investigations de Santé Publique France ont permis de dresser un «lien possible» avec 21 cas de listeriose, une intoxication liée à ce pathogène, dont deux décès. Libé fait le point.

Ce mardi 12 août, le site gouvernemental Rappel Conso publie la liste de plus de 40 fromages concernés par un rappel, en raison d’une suspicion de contamination à la bactérie Listeria, qui peut être particulièrement dangereuse chez les femmes enceintes.

Dans le viseur, des variétés courantes - camemberts, chèvres, gorgonzolas ou encore bries, vendues chez la plupart des magasins comme Leclerc, Auchan ou Carrefour via des marques distributeurs. Dans la liste consultable sur le site gouvernemental Rappel Conso, on trouve par exemple le Coulommiers de la marque Chaignet, le Cœur complice et la Bûche de chèvre de Carrefour Classic, le Fromage double crème de la marque Simpl ou encore le Camembert et le Coulommiers de la marque Le Paturon, vendue chez Aldi. La plupart des grandes enseignes sont concernées : Carrefour, Leclerc, Aldi, U, Intermarché, Auchan, Lidl, Netto…

Les différents rappels ont été faits entre lundi 11 et mardi 12 août et concernent tous les fromages produits avant le 23 juin 2025. Les fromages concernés ont été commercialisés «jusqu’au 9 août 2025» sur «l’ensemble du territoire national», notamment en supermarchés, ainsi «qu’à l’international», indique Santé Publique France dans son communiqué mardi 12 août.

La plupart de ces produits proviennent de la même entreprise, la fromagerie Chavegrand, située dans la Creuse, qui avait déjà fait l’objet d’un rappel similaire en juin. Contactée par l’AFP, la fromagerie explique que tous les produits rappelés, en juin et en août, ont été produits sur une ancienne ligne de production, fermée début juin et remplacée par une nouvelle ligne, dans une extension du bâtiment. «Il y a eu un plan d’analyse très renforcé, avec plusieurs milliers d’analyses, mais on n’a pas trouvé [de trace de Listeria] dans la fromagerie. On n’a pas encore d’explication», précise Guillaume Albert, consultant pour la fromagerie Chavegrand.

Après l’annonce mardi 12 août au soir des deux décès, l’entreprise a réagi auprès de l’AFP. «La nouvelle est bouleversante et la fromagerie Chavegrand adresse ses condoléances aux familles touchées». «On a multiplié par 100 le nombre d’analyses sur les produits et les équipements pour être sûr qu’il n’y avait pas de contaminant. Tous nos salariés qui travaillent très dur depuis le mois de juin sont abasourdis par cette nouvelle», ajoute la communication de Chavegrand, qui parle d’un cas «rarissime». Créée en 1952, cette PME creusoise, qui emploie 120 salariés, assure n’avoir «jamais connu de contamination de produit» auparavant depuis sa création.

«Le problème pour les consommateurs est que, comme d’habitude, ces rappels surviennent trop tard quand le mal est fait», a déploré Foodwatch dans un communiqué. Pour l’association de défense des consommateurs, la fromagerie aurait «dû prendre les mesures d’hygiène qui s’imposent et s’assurer qu’elle ne commercialisait pas de produits qui exposent les consommateurs à un danger pour leur santé». Foodwatch s’interroge aussi «sur le rôle de nos autorités de contrôle. Qu’ont-elles fait entre juin et août ?»

Les autorités sanitaires ont identifié 21 cas de listériose, dont deux décès, qui pourraient présenter un «lien possible» avec la consommation de fromages au lait pasteurisé de la fromagerie Chavegrand ayant fait l’objet d’un rappel, selon un communiqué diffusé mardi soir par Santé publique France et le ministère de l’Agriculture. Les 21 malades sont âgés de 34 à 95 ans. L’une des deux personnes mortes avait des «pathologies sous-jacentes», précise le communiqué.

«Les investigations menées par Santé Publique France […] ont conduit à identifier début août des éléments épidémiologiques et microbiologiques convergents, établissant un lien possible entre ces» 21 «cas de listériose», dont 18 depuis juin, «et la consommation de fromages au lait pasteurisé produits par la société Chavegrand», indique le communiqué.

La listériose, provoquée par la Listeria monocytogenes, est la seconde cause de mortalité par intoxication alimentaire avec, en France, quelques dizaines de décès par an. Seules les salmonelles, également des bactéries, causent plus d’intoxications mortelles : plusieurs centaines chaque année.

Dans sa forme dite «invasive», la listériose est particulièrement meurtrière : un quart des patients, environ, en meurent, par exemple à cause de complications neurologiques comme une méningite. L’incubation dure en général une ou deux semaines, mais peut aller jusqu’à presque trois mois, et les femmes enceintes sont particulièrement menacées, avec vingt fois plus de risque de développer cette infection que le reste de la population.

Comme la salmonellose, la listériose se traite par antibiotiques. Cela les distingue d’une autre famille de bactéries emblématiques des infections alimentaires, Escherichia Coli : celles-ci - dans leurs formes dangereuses, un grand nombre étant inoffensives - causent moins d’intoxications graves que listeria et salmonelles mais elles sont plus difficiles à traiter, car les antibiotiques sont impuissants.

Les personnes ayant consommé ces fromages «et qui présenteraient de la fièvre, isolée ou accompagnée de maux de tête, et des courbatures, sont invitées à consulter leur médecin traitant en lui signalant cette consommation», prévient le site Rappel Conso. Les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées et les personnes âgées «doivent être particulièrement attentives à ces symptômes»

Mise à jour à 20 h 20 avec le communiqué de Santé Publique France : à 21 h 15, avec davantage de détails ; le 13 août avec la réaction de la fromagerie aux deux décès